jeudi 1 avril 2010

Jeudi Saint ou Mardi Saint?

La fresque murale "La Cène" était une commande de Ludovic le More, duc de Milan. Léonard de Vinci a peint cette représentation du dernier repas du Christ en compagnie de ses apôtres sur un mur du réfectoire de Santa Maria delle Grazie à Milan, Italie en 1498.
Le Jeudi saint, les catholiques célèbrent la dernière Cène, jour ou Jésus institua l'eucharistie, et lava les pieds de ses douze apotres. Le lendemain, vendredi, à 3 h de l'après-midi, il mourait sur la croix.
Cependant la date du jeudi saint est très discutable..
L'Évangile de S. Jean nous apprend que la fête de la Pâques, tomba l'année de la mort de Jésus, le jour du sabbat .Mais comme les juifs devaient consommer l'agneau pascal dans la nuit du vendredi, et que Jésus savait que le vendredi, à 3 h de l'après-midi, il serait mort et ne pourrait donc pas manger la Pâque avec ses disciples à la date officiellement prévue, il le fit un jour plus tôt, dans la nuit du jeudi. C'est pourquoi S. Jean nous dit que Jésus célébra la dernière Cène "avant la fête de la Pâque" (13,1), c'est-à-dire dans la soirée du jeudi, date qui a été retenue traditionnellement par l'église catholique.
Mais Matthieu et Marc soutiennent que Jésus et ses disciples se réunirent pour manger la Pâque, "le premier jour des azymes, où l'on immolait l'agneau pascal" (Mt 26,17; Mc 14,12). Et Luc, plus explicite encore, assure que le Seigneur se mit à table, lors de "la fête des azymes, appelée la Pâque" (22,1.7.14.). Le jour des "azymes" était le premier des 7 jours durant lesquels se prolongeait la fête de la Pâque.
Il est donc clair que, pour les trois évangiles synoptiques, Jésus célébra la Cène avec ses apôtres, le jour même de la Pâque. Puis, il fut arrêté et mourut crucifié, le jour suivant, alors que se déroulait la très solennelle fête de la Pâque.
La découverte, en 1947, des manuscrits de Qumran nous apporte des éléments nouveaux: ces livres font partie d'une bibliothèque du premier siècle avant J.-C., appartenant à une secte juive dite des Esséniens. Parmi les nombreux livres que contenait cette bibliothèque, on en découvrit deux (le Livre des Jubilés et le Livre d'Hénoch) qui révélèrent qu'au temps de Jésus, on se référait non pas à un seul, mais à deux calendriers distincts. L'un, désigné sous le nom de calendrier "solaire", était basé sur le cours du soleil, comptait 364 jours et les mois y étaient répartis de façon que les fêtes importantes tombent un mercredi. C'est ainsi que le jour du nouvel an était toujours un mercredi; de même, la fête des Tabernacles et celle de la Pâque.
En effet, selon la Genèse, lorsque Dieu créa le monde, ce fut en ce quatrième jour (mercredi) qu'il fit le soleil, la lune et les étoiles, et c'est à partir de ce jour que commença le cours du temps.
Puis, deux cents ans avant J.-C., les prêtres du Temple de Jérusalem auraient décidé de changer ce calendrier et d'en adopter un autre, basé à la fois sur le cours du soleil et sur celui de la lune, et appelé de ce fait "lunisolaire". Ce calendrier comptait 365 jours et la fête de la Pâque pouvait figurer n'importe quel jour de la semaine.
Mais ce nouveau calendrier ne s'imposa pas immédiatement et,au temps de Jésus, bon nombre de gens suivaient encore l'ancien calendrier. Même parmi les juifs, certains, tels les Esséniens de Qumran, avaient refusé d'adopter le nouveau calendrier, estimant qu'il constituait une altération inadmissible de la loi de Moïse.
Ainsi donc, du temps de Jésus, deux calendriers étaient en vigueur. L'un, le plus ancien, suivi par les classes populaires, et où le repas de la Pâque était toujours fixé au mercredi (c'est-à-dire à la soirée du mardi). L'autre, adopté par le sacerdoce officiel et par les classes les plus élevées, et où la fête de la Pâque pouvait tomber n'importe quel jour de la semaine. L'année où mourut Jésus, cette fête tomba précisément un samedi.
Une nouvelle hypothèse, suivant laquelle Jésus mourut un vendredi, comme l'affirment les quatre Évangiles, mais célébra la Cène le mardi précédent, permettrait de caler correctement différents évènements dans le temps: en effet, si la dernière Cène a eu lieu le jeudi et le crucifiement le vendredi après-midi, nous ne disposons que de 18 heures à peine pour y répartir tous les événements de la Passion.
Or, nous savons qu'après son arrestation au jardin de Gethsémani, Jésus fut conduit chez l'ex-grand prêtre, dans la demeure duquel se déroula le premier interrogatoire (Jn 18,12). Puis on l'emmena, ligoté, chez Caïphe, le grand prêtre en charge (Jn 18,14). Là il fallut attendre que se réunisse le Sanhédrin, tribunal suprême de justice des juifs, dont faisaient partie tous les grands prêtres, les anciens et les scribes (Mc 14,53). Au cours de cette réunion nocturne, on tenta de trouver de faux témoins qui accuseraient Jésus; ce qui s'avéra laborieux, car les témoignages de ceux qui déposaient contre lui ne concordaient pas (Mc 14,55-59). Ensuite, on lui fit subir toutes sortes de vexations: coups, crachats, railleries (Mc 14,65). Au lever du jour, les 71 membres du Sanhédrin se réunirent pour la seconde fois (Mc 15,1). C'est alors qu'ils auraient décidé de condamner Jésus à mort.
Après le procès religieux, on traîna Jésus devant Pilate, le gouverneur civil (Lc 23,1); l'entrevue dut être assez longue. Il y eut d'abord, entre le Préfet romain et les Juifs, une rencontre au cours de laquelle ces derniers présentèrent leurs accusations. Vint ensuite un interrogatoire de Jésus, à huis-clos, puis la déclaration d'innocence par Pilate et, à nouveau, des accusations insistantes de la part des juifs.
Afin de se débarrasser de l'accusé, qu'il estimait innocent, Pilate décida de l'envoyer à Hérode Antipas, gouverneur de Galilée, car Jésus, en tant que galiléen, relevait de sa juridiction (Lc 23,7). Cette entrevue dut, elle aussi, se prolonger un certain temps: l'Évangile dit, en effet, qu'Hérode posa beaucoup de questions à Jésus (Lc 23,9), avant de le renvoyer finalement à Pilate (Lc 23,11).
Le gouverneur romain se vit alors contraint de convoquer une nouvelle fois les grands prêtres, les magistrats et tout le peuple. Suite à un second entretien avec Jésus, il décida de soumettre à l'avis du peuple la libération éventuelle de celui-ci ou de Barabbas. Entre-temps, sa femme lui envoya un message, l'invitant à ne rien faire contre Jésus, car, durant la nuit, elle avait eu des cauchemars à propos de ce jugement. Mais, face à l'insistance de la foule, il se résolut à libérer Barabbas (Mt 27,11-25). Alors, se succédèrent la flagellation, le couronnement d'épines, les dernières tentatives de Pilate pour libérer Jésus et finalement la sentence et le lent cheminement jusqu'au Calvaire (Mt 27,27-31).
Tout cela n'a pas pu se dérouler entre la nuit du jeudi et l'après-midi du vendredi .

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