vendredi 29 janvier 2010

Les voies du Tarot

Le Bateleur ( Dodal, imagier lyonnais 1701)
Revenons sur ce thème pour signaler un site très intéressant qui propose différents tarots: Visconti (1450), Noblet (1650), Viéville (1650), Convert (1760) et Dodal/Payen (1701)
Tous ces imagiers proposent au fil des 22 arcanes majeurs, un pélerinage de l'âme depuis son incarnation jusqu'à sa libération, La codification des étapes de ce "pèlerinage" est ancienne. Le tarot n'étant qu'un succédané modernisé à la fin du XIVème siècle de cette antique tradition.

C'est une carte de géographie qui décrit l'itinéraire intérieur de l’être au travers des cinq phases de l’existence : enfance, apprentissage, compagnonnage, maîtrise et sagesse.
Chaque arcane représente une étape sur le chemin de vie, un stade de réalisation. En les examinant l'une après l'autre, dans l'ordre et par groupement de quatre avec à leur tête leur "ouvreur de porte", chacun pourra ressentir en lui l'énergie particulière dégagée par ces images. Il pourra "jouer à se souvenir". Il se dira "moi aussi, je suis passé par là…" Au bout du compte, peut-être comprendra-t-il que le Tarot raconte l'histoire de sa propre vie.


http://www.letarot.com/

jeudi 28 janvier 2010

La Passion des belles Automobiles

Du beau travail signé Ettore
Calandres




La passion des belles automobiles

(rétromobile porte de Versailles jusqu’à Dimanche)

mercredi 27 janvier 2010

Un nouveau véhicule écolo

Bravo les Verts qui proposent un nouveau véhicule urbain familial (4 places) ; l'architecture à quatre pédales, associée à un design soigné nous ont séduits; seul inconvénient mineur, le poids, mais les concepteurs y travaillent..(noter une économie de 19 kg déjà réalisée en ajourant les garde boue!)

Les concepteurs spécialistes des études de marché très fines ont constaté que les utilisateurs ont un sens de giration préféré sans qu'ils en soient réellement conscients (A droite, pour les verts en général) Le modèle ci dessus présenté porte de Versailles en exclusivité cette semaine est prévu pour utilisation sur boulevards extérieurs dans le sens solaire; deux autres versions seront proposées, une pour le sens polaire et enfin un modèle pour rouler en ligne droite (sur la voie du milieu)....ces solutions permettent l'économie d'un mécanisme de direction qui serait lourd et onéreux...

mardi 26 janvier 2010

La Fée Morgane Version 3

Les narrateurs et historiens portent des regards bien différents sur la fee Morgane.....
Fille du roi de Cornouailles et d’Ygerne, elle fût élevée à la mort de son père par Uther Pendragon (père d’Arthur) .
Morgane demeure l’une des plus belles images mythologiques féminines que l’imaginaire humain ait créé. Elle règne sur le Val Sans Retour en forêt de Brocéliande au royaume des fées.
Morgane est la demi-sœur du roi Arthur, elle est également disciple de Merlin.
Merlin lui enseigna la médecine, l’astronomie et la magie .
Morgane, sensuelle, grande, cheveux longs brillants souvent nattés, regard gai et innocent, énigmatique et provocatrice, trouble les cœurs, pervertit les âmes ou les sauve. Elle est la maîtresse absolue de la vie, de la mort, femme éternelle, mère, amante et fille toute à la fois.
Elle est la grande reine, souveraine de l’île d’Avalon, séjour des bienheureux.
Morgane maîtrise l’art de la métamorphose et se transforme comme il lui plaît.
Morgane, éperdument amoureuse du beau chevalier Guyomard, découvre son infidélité et décide de se venger. Elle suit les deux amants et leur jette un sortilège attachant magiquement Guyomard et la demoiselle à quelques pas l’un de l’autre, les condamnant à se voir sans cesse sans pouvoir se rejoindre.
Morgane utilisait ses pouvoirs à des fins maléfiques et obtenait ce qu’elle voulait des hommes grâce à sa beauté.
La fée Morgane, reine d’Avalon (l’île aux pommes de l’autre monde) porte une branche de pommier, symbole celtique de la paix et de l’abondance.
Morgane tenait ses amants captifs dans le val sans retour mais ce n’était qu’un sortilège. Lancelot, bravant les terreurs imaginaires mit fin à l’enchantement et libera ceux qui subissaient le joug de Morgane.
Symboliquement morgane est une déesse hivernale des ténèbres et de la mort par opposition à Arthur qui est le seigneur de l’été.
Morgane est guérisseuse et magicienne, fidèle au monde merveilleux d’Avalon qu’elle abandonnera un temps pour tenter de reprendre ses principes dans le monde réel.
Petit a petit, Morgane a perdu sa nature de femme pour prendre l’aspect désincarné de certaines fées que le regard du mortel éclaire ou assombrit selon son état d’âme.
A la fois femme et savante, fée sylvestre, nymphe des vagues, sorcière et enchanteresse, c’est l’une des figures les plus riches de la famille des fées.
C’est une figure emblématique des légendes celtes, magicienne au double visage, l’un bon, l’autre mauvais. Elle révèle l’aspect rédempteur de son personnage lorsqu’elle se fait reine guérisseuse d’Avalon, gardant le corps d’Arthur dans la mort.
La nature de Morgane apparaît dans sa double pratique de la guérison et de la magie noire.
C’est une épine dans la vie d’Arthur mais aussi sa gardienne dans la mort ; elle fût incestueuse avec Arthur et de cet inceste est né Mordred qui causera la chute de son père le roi Arthur.
Comme la fée Viviane, Morgane fait partie intégrante de la légende du roi Arthur.
Elle a le caractère impérieux et des pouvoirs infaillibles. Morgane punit le mensonge, le parjure et le crime de lèse-majesté : l’enchantement qui frappe les chevaliers infidèles dans le Val Sans Retour en est un exemple.
Morgane apparaît souvent comme le double féminin de Merlin. Comme lui, elle a des origines royales, elle manipule le temps, elle vole à la façon d’un oiseau et se métamorphose.
Morgane finit par devenir celle par qui le malheur arrive :
Elle révèle à Arthur les amours de Lancelot et Guenièvre.
Elle tente plusieurs fois de tuer son demi-frère.
Elle cherche à s’emparer de la couronne pour son amant Accolon.
Elle conçoit Mordred qui précipitera la ruine du royaume et la dissolution de la table ronde.
Elle porte même la responsabilité de la fin du roi Arthur en lui dérobant le fourreau d’Excalibur qui le protégeait de toutes blessures.

lundi 25 janvier 2010

La Fée Morgane..deux femmes en une..version 2

Les narrateurs et historiens portent des regards bien différents sur la fee Morgane.....
Morgane, Reine, Sorcière, Magicienne ou Femme Libre?
Dans les Chroniques, Morgane la Fée est dite la marraine de Gargantua. Son nom y est d’ailleurs orthographié Morgan-le-Fay, alors que Rabelais l’appelle la fée Morgue et écrit, dans son Pantagruel, que « Gargantua avait esté translaté au pays des fées par Morgue », dans l’Île d’Avalon.
Comme il y a de nombreux Monts « Gargan », il y a quantité de Monts qui doivent leur nom à Morgane : Monts Morgon, Margantin, Mercantour. Et tout autant de rivières Morgon, Mourgon, Morge, Mourgues ; des fontaines de la Mourgue . Morgane est dite parfois, dans certains contes, femme de Gargantua et, comme lui, elle porte un « devantiau » dans lequel elle transporte des pierres. Le Morgant Maggiore de Pucci (fin du XVe siècle) conte les exploits d’un géant Morgante, ou Morgant, Morgan.
Morgane est dite Morgue et est liée à la Mort, mais elle est aussi Mère-Grand, Mère-Guérisseuse.
Dans le poème médiéval Gauvain et le Chevalier Vert , dont l’auteur est inconnu, Morgane est la complice de la belle dame de Haut-Désert, toutes deux recherchant la mort de Gauvain par des actes fourbes et traîtres.
La christianisation a diabolisé Morgane, tout comme elle l’a fait de Gargantua et de Mélusine. Elle l’a christianisée en sainte Marguerite, représentée « issourt » du dragon, comme à Luceram (Alpes Maritimes), ou avec le dragon à ses pieds, le dragon-vouivre symbolisant alors les énergies telluriques. Dans Histoire et Géographie Mythique de la France, Henri Dontenville précise que dans le Queyras « une centaine de sorcières brûlées entre 1428 et 1447 (...) avaient comme prénom Marguerite » (p. 119).
Morgane a perdurée sous le nom de fée Margot et l’on trouve un peu partout en France des « Caves à Margot », des « chambres de la fée Margot », des « fuseaux de Margot », des « Roche Margot » .
Le Manuscrit des Paroles du Druide sans nom et sans visage la dit « Mère Grand, Morgan, Celle-qui-sait-la-vuipre, Bel-Terre, la Noire, la Dame de Sous-Terre, et tant d’autres noms... »
Morgane est sans nul doute l’un ,si ce n’est le personnages le plus complexe de la mythologie arthurienne. Selon la tradition, elle serait nièce de Viviane, cousine de Lancelot, femme d’Urien, mère d’Yvain en plus d’être la sœur d’Arthur. Cependant ces liens filiaux sont à relativiser : dans la chronologies des textes, Morgane est d’abord sans lien de parenté avec quiconque, puis elle est dite sœur d’Arthur, et enfin faite fille d’Ygerne et du duc de Tintagel .Mais toujours, elle est une véritable magicienne, initiée par Merlin (cette enchanteresse sera transformée par les auteurs de la fin du moyen age en sorcière) . On l’appelle souvent Morgane la fée (Morgain le fay), la fée étant un être bon qui fait usages de ses pouvoirs magiques pour faire le bien . De plus, en vieux-breton, le mot morgan désigne un être féerique résidant au fond de la mer . Enfin, il est probable que le mythe de Morgane et d’Avalon étaient répandus chez les lettrés de l’Antiquité (le géographe grec Strabon fait référence à une île, habitée par des sœurs) .
Geoffroy de Monmouth ( premier auteur-retranscripteur chrétien de la légende arthurienne) ne fait aucun commentaire sur des possibles liens de parenté entre la fée et le roi . Il devait surement s’adresser à des gens connaissants le personnage et n’ayant pas besoin de précisions ; ce qui laisse supposer l’existence d’une tradition séparée (tout comme pour Merlin : dans les plus vieux textes gallois, il n’y a aucun rapport entre l’enchanteur et le roi).
Dans certain récits, Morgane (Morgue) est mariée à Urien, souverain du pays de Gorre, appelé aussi île de Voire ou de Verre. C’est un nom caché d’Avalon. Il est possible que l’auteur n’ait pas bien compris le rôle de Morgane, et se soit contenté d’énoncer les informations qu’il avait recueillies.
Cette imprécision conduisit rapidement à une confusion. En effet, Morgane dans beaucoup de textes se substitue à Morcade (appelée aussi Morgause ou Ena, ou encore Anna). Simplement du au départ à une confusion des prénoms Morcade et Morgane, ce lapsus fut à l’origine d’une déviation complète du personnage (Arthur ayant commis un inceste avec Morcade, et Morgane étant une puissante magicienne, le résultat fut une sorcière maléfique, froide et calculatrice.
Il y eut également une confusion entre Morgane et Viviane.
Viviane est aussi appelée Niniane, Niviene, ou encore Nimuë. Les différents noms sont importants à connaître car ils sont à l’origine de liens auxquels on ne penserait pas : ainsi Nemen, proche de Nimuë est un nom irlandais accolée à la déesse Morrigan, ce qui n’est pas pur fruit du hasard. C’est Viviane qui emprisonne Merlin dans la forêt de Darnantes après lui avoir « subtilisé » la formule, ce qui n’est pas sans rappeler la tradition du Val Sans Retour. Au cœur de la forêt de Brocéliande, dirigée par Morgane , les amants infidèles ne peuvent sortir du cercle.
Cette confusion entre Viviane et Morgane persiste toujours malgré la re-découverte des plus anciens textes. Ainsi dans Excalibur de John Boorman (1981), c’est encore Morgane qui emprisonne Merlin.
Les historiens ont constaté que beaucoup de fées arthuriennes portent un nom se terminant par le suffixe –ane. Petit rappel : Ana (également appelée Modron) est la grande déesse celte, la déesse mère ( en Bretagne son souvenir est resté dans les mémoires à l’état latent comme en témoigne sa patronne : sainte Anne !). Cependant, on peut ne voir en ce suffixe qu’une simple coïncidence ; les prénoms ont souvent une signification liée à une origine latine, grecque, ou germanique (par exemple Antoine vient du latin antonius, inestimable). Et souvent dans les récits mythologiques, le prénom n’est pas le fruit du hasard. Le caractère et le prénom du personnage sont liés, sans qu’on puisse déterminer lequel dérive duquel . Le caractère de Morgane s’étant peu à peu dissout sous l’influence chrétienne, pour retrouver son tempérament originel, il faut étudier la signification de son nom.
Là, deux thèses s’opposent, sans être contradictoires.
Certains font dériver Morgane de mori – gena, celle qui est née de la mer. Cette explication est plausible puisque la Morgane originelle était l’aînée des neufs sœurs régnants sur Avalon. D’autres font dériver ce prénom de mor – rigain, c'est-à-dire la grande reine. Même si elle est présentée dans plusieurs textes arthuriens comme reine (au coté de son mari Urien), on peut y voir deux explications plus plausibles. D’abord Morgane est la reine D’Avalon, ïle paradisiaque ; ensuite entre Mor-rigain et Morrigan il n’y a qu’un pas. Le personnage de Morgane est lié à ces deux thèses. Après tout, n’est elle pas la reine du royaume d’Avalon, royaume qui est en fait une île ? De toute façons, Morgane représente l’incarnation suprême de la souveraineté (c’est la reine du Paradis !).
Morgane est un personnage riche et complexe. Markale en dit que c’est « la Vierge qui fait peur, la Vierge qui engloutit, la Célibataire, l’Indomptable, à la fois vierge et putain, Mère de tous ceux qui ont été ses amants » C'est l'archétype de la femme celte. ( vierge a pour sens dans ce contexte indépendante vis-à-vis des hommes).
Retenons que Morgane est une femme libre, indépendante vis-à-vis des hommes et de la société.
C’est aussi la femme fatale du cycle arthurien ( très belle, indépendante, avec beaucoup de charme, magicienne de surcroit, et dotée des pouvoirs d'une reine…)
La résurgence du mythe de Morgane a lieu au XIIème siècle, époque de l’amour courtois, et la fée est pour les hommes un sujet de fascination. Mais à la fin du moyen âge, marquée par une recrudescence de la misogynie , Morgane devient maléfique, mangeuse d’hommes et sorcière !
Mais, pourquoi transformer la fée en sorcière ? Morgane représente l’indépendance, et donc la révolte contre l’autorité masculine, révolte aussitôt réprimée dans ce moyen age misogyne.
Le premlier écrivain chrétien de la "saga", Geoffroy de Monmouth fait allusion à l’enchanteresse Morgen dans un de ses romans. C’est ce même auteur qui, plus tard introduira le personnage Morgain comme il l’appelle dans sa vita Merlini. Avait-il fait le lien entre ces deux noms pourtant phonétiquement proches ? Il est probable que non. Mais ceci conforte la thèse selon laquelle Morgane est un personnage à part entière, sans aucun lien avec Arthur.
Les explications succinctes des dictionnaires affirment que les origines de Morgane sont divines et apparentées Soit à Modron soit à Morrigan. Pour information : Modron appelée aussi Ana est la déesse mère celte tandis que Morrigan est une déesse irlandaise cruelle et guerrière (c’est elle qui provoquera la mort du héro Cuchulain)
Nous avons vu que Morgane était une femme fatale (ses amants sont indénombrables); cet aspect de sa sexualité est une des caractéristiques de la déesse celtique et va de pair avec la souveraineté chez les celtes . D’ailleurs son nom ( mor – rigain), attaché à la souveraineté, ne fait que confirmer cette idée.
Enfin, nous avons vu que Morgane avait été confondue avec Morcade que certains auteurs ont appelés Anna . En assimilant Morgane à Anna, les transcripteurs souvent mal informés ont fait de Morgane (qu’ils croyait être Morcade) Ana, la grande déesse. Involontairement, ils appuient la thèse selon laquelle Morgane serait un des visages de la grande déesse.
Ainsi, Morgane nous apparait sous de multiples visages, tantot bienveillante, magicienne, guérisseuse, tantôt séductrice et cruelle, mais toujours Reine.

dimanche 24 janvier 2010

La fée Morgane..deux femmes en Une..Version 1

Les narrateurs et historiens portent des regards bien différents sur la fée Morgane.....
Selon les ouvrages récents des philologues, Morgane, fille d’Ygerne dite aussi Ygraine et du duc de Cornouailles, est la demi-sœur, considérée comme méchante, du roi Arthur. Dans d’autres textes - notamment sous la plume de Chrétien de Troyes - Morgane est la sœur du roi Arthur, ce qui renforce la méchanceté du personnage. Notons que dans les premiers textes où apparaît la fée Morgane, son rôle est positif : chez Geoffroy de Monmouth (Historia Regum Britanniae) Morgane est savante ; chez Chrétien de Troyes (Erec et Enide, Yvain, le Chevalier au lion) elle guérit son frère ainsi qu’Yvain et Lancelot ; chez Wace (le Roman de Brut) et dans La Mort et le roi Arthur, Morgane emmène Arthur sur l’île d’Avalon pour le soigner de ses blessures (épisode déjà présent dans l’Historia Regum Britanniae). Ce n’est qu’à partir du XIIIe siècle que la légende fait de la fée Morgane une méchante fée, haineuse envers Arthur et Guenièvre, contrepoint de la Dame du Lac.
La légende raconte que, à sa naissance, le roi Arthur fut adopté par un chevalier de Galles et sa femme et, à l’âge de 15 ans, il sortit une épée de la pierre, qui n’était pourtant pas Excalibur, car celle-ci lui fut offerte plus tard par Viviane, la Dame du Lac. Seul le vrai roi de Bretagne pouvait déloger cette épée de la pierre, ce que fit Arthur, apportant ainsi la preuve qu’il était soutenu par les anciens dieux celtes. Quelques années plus tard, Morgane séduisit Arthur, devenu roi de l’actuelle Grande Bretagne. Un enfant, nommé Mordred naquit plusieurs mois après. Morgane savait très bien qu’il causerait la perte d’Arthur : son but était de le détrôner afin qu’elle obtienne le contrôle de la Bretagne par l’intermédiaire de son fils. Pendant toutes ces années, elle essaya d’assassiner son demi-frère, mais Arthur et Mordred s’entretuèrent pendant la revendication du trône par ce dernier. Selon d’autres sources, Mordred n’est pas le fils de Morgane mais celui d’une autre sœur d’Arthur, la reine d’Orcanie (Anna ou Morgause selon les textes ). Selon la version que présente Marion Zimmer Bradley dans Les Dames du Lac, dans laquelle on n’attribue pas à Morgane le rôle de méchante, elle aurait été élevée sur l’île d’Avalon (aussi appelée l’Atlantide) par la grande prétresse Viviane (réincarnation de la Déesse dans l’ouvrage). Durant "les feux de Beltane", Morgane sera poussée dans les bras de son demi-frère. Ils le découvriront le lendemain matin. Lancelot du Lac, dans cette version, est le fils de Viviane. Sur Avalon, Lancelot est appelé Galahad.
Une légende celtique parle d’un second enfant nommé Yvain (qui serait l’aîné de Mordred) ; Yvain serait le fruit de l’union entre le roi Urien et Morgane. Il est l’un des grands chevaliers de la Table Ronde, bien qu’il soit un jour banni par Arthur (à cause des fautes de sa mère Morgane, elle-même bannie de la cour). Il resta pourtant fidèle au roi et prit part à d’innombrables aventures dans lesquelles il fut accompagné d’un puissant lion, très docile en présence de son maître, ce qui lui valut le titre de Chevalier au lion (épisode développé par Chrétien de Troyes).
Morgane cherche à protéger la Bretagne de l’influence grandissante du catholicisme, notamment de l’influence de la reine Guenièvre, de nature très pieuse. Elle voulait défendre auprès du roi Arthur les anciennes croyances, qui étaient à la base de ses pouvoirs magiques, ainsi que de ceux de Merlin, dit l’Enchanteur.
C’est Morgane qui aurait brodé le fourreau magique d’Excalibur qui protège Arthur de toute blessure fatale au combat. Elle cherchera par la suite à lui reprendre cet objet sacré car, en ne restant pas fidèle à l’ancienne religion, il a trahi son serment, ses origines celtes et le Petit Peuple. Le fils de Morgane et Arthur devra reprendre le pouvoir (d’où leur duel mortel) pour rétablir l’ancienne religion. Le combat final les opposant se déroulera à Camlan. C’est là où le Jeune Dieu Cornu (Mordred) affrontera le Vieux Dieu Cornu (Arthur). Les deux personnages mourront après s’être entretués, et Excalibur retournera dans le lac de Viviane, portée pour la dernière fois par Merlin. La légende veut que la dépouille du Roi Arthur ait été placée dans l’île d’Avalon, et qu’il réapparaîtra en des temps troublés.
Une autre légende dit que le Roi Arthur a été enterré à Glastonbury, une abbaye anglaise. On y a notamment découvert une croix de plomb portant cette inscription : « HIC JACET SEPULTUS INCLITUS REX ARTURIUS IN INSULA AVALONIA » soit « Ci-gît le renommé roi Arthur dans l’île d’Avalon », sous une dalle de pierre en 1191, ainsi que les dépouilles d’un couple.

samedi 23 janvier 2010

Guenièvre

Guenièvre


L'origine du nom Guenièvre vient selon toute vraisemblance du mot gallois "Gwenhwyfar" qui signifie "Esprit Blanc".
Elle n'est pas sans évoquer la bansidh*de la mythologie celtique (*Dans la mythologie celtique, une Bansidh est une femme du Sidh, cest-à-dire de l'autre Monde, une messagère des dieux.) .
Fille de Léodegan de Carmelide, Guenièvre est avant tout l épouse du roi Arthur.
Sa beauté, son éloquence ainsi que le prestige de sa cour font de la reine une figure à la fois prisée par les chevaliers et haïe par ses semblables .
Sa liaison avec Lancelot entama l'unité des Chevaliers de la Table Ronde.
C'est aussi sa beauté qui attira le neveu du Roi Arthur , Sire Modred, qui investit Camelot et força Guenièvre à l'épouser en l'absence du roi.
La confrontation entre Arthur et Modred à la bataille de Camlann mit une fin sanglante à l'âge d'or de la chevalerie britannique et peu de chevaliers y survécurent.
Arthur, mortellement blessé, fut emporté à Avalon, tandis que Guenièvre se fit nonne à Amesbury, où elle mourut plus tard.
Certains pensent qu'elle fut enterrée à Glastonbury, non loin de la tombe d'Arthur.

vendredi 22 janvier 2010

La Cuisine de Merlin . Secrets de Brocéliande

Jeu de Braquemarts
( rappelons pour ceux qui l’ignoreraient que le braquemart est une épée courte à double tranchant qui servait à tout et était particulièrement indispensable en cuisine au moyen âge)

Le Braquemart ou Elixir de Merlin

Les filtres et recettes se sont transmis de bouche à oreille par la voie ésotérique.
Rares sont ceux qui ont pu les tester ; aussi nous donnons vous aujourd’hui la fameuse recette du braquemart de Merlin .
Ingrédients :
10 Grammes de cannelle en bâtonnets
10 Grammes de ginseng écrasé
2 Gousses de vanille
1 tige d’angélique confite
55 Centilitres de vin blanc doux
2 toiles d’araignées
5 Grammes d’ambre pilé
1 grosse tige de rhubarbe fraîche

Prendre le braquemart par le manche et couper la rhubarbe en petits dés. Introduire tous les ingrédients dans une bouteille. Envelopper la bouteille dans les toiles d’araignée et la placer dans une cave noire (il faut au moins 6 semaines pour que la macération soit complète) Puis filtrez le mélange dans une chaussette propre. Ré embouteiller. Laissez reposer votre élixir durant 10 lunes.
A boire avec modération!
Il est probable que cet élixir soit en réalité l’œuvre de Morgane, qui aurait réalisé ce filtre pour asservir ses amants ; si vous avez apprécié ce met délicieux, faites le nous savoir, nous vous ferons passer par le sot du secret d’autres merveilleuses recettes telle celle de la coquille goulue, qui en entrée ou amuse-gueule, ravira vos papilles…

jeudi 21 janvier 2010

Merlin, l'Enchanteur

Conte du pays breton


Voici un récit trouvé sur le net, d'auteur inconnu, donné sous la forme d'un conte merveilleux:

Il était une fois, en Bretagne, une jeune femme qui mit au monde un bébé si velu qu'on n'en avait jamais vu de semblable. Elle demanda aux personnes qui l'assistaient de le porter immédiatement à l'église pour qu'il reçût le baptême.
- Quel nom voulez-vous lui donner ?
- Celui de son aïeul maternel, répondit la jeune femme.
C'est ainsi que le bébé fut appelé Merlin. Or, Merlin avait pour père un diable, ce que sa maman n'osait avouer. Tout en le berçant dans ses bras, elle l'embrassait malgré sa laideur et lui dit un jour :
- Parce que je ne peux désigner ton père, mon bébé chéri, tu seras appelé : « enfant sans père » et moi, selon la loi, je vais être condamnée et mise à mort. Pourtant, je ne l'ai pas mérité...
- Tu ne mourras certainement pas à cause de ma naissance. Merlin avait alors tout juste neuf mois. La stupéfaction de sa mère en l'entendant parler fut si grande qu'elle le laissa choir. Aussitôt, l'enfant se mit à hurler, ameutant tous les voisins qui voulurent connaître la cause de ce vacarme. La mère de Merlin aurait-elle voulu par hasard le tuer ?
- Figurez-vous que Merlin parle comme une grande personne, expliquait-elle à tous ceux qui l'interrogeaient. Comme Merlin gardait la bouche close, à présent, cela rendait la chose encore plus extraordinaire et plus mystérieuse. À la fin, certaines personnes, espérant l'entendre, le rudoyèrent.
- Ah ! dirent-elles, il eût mieux valu pour ta mère que tu ne fusses jamais né.
- Taisez-vous ! cria aussitôt le nourrisson, rouge de colère. Laissez ma mère en paix. Nul ne sera assez hardi, tant que je vivrai, pour lui faire du mal ou justice, hors Dieu. Si jamais gens connurent l'ébahissement, ce fut bien ceux qui entendirent ces mots. Et tous, sans exception, s'empressèrent de colporter la nouvelle à travers le village, tant et si bien, qu'elle parvint aux oreilles du juge. Or le juge se dit : « Peut-être ferais-je bien de me débarrasser de cette affaire que j'avais oubliée et de convoquer cette mère que je dois condamner à être brûlée vive. » Au demeurant, le juge ne croyait en rien tout ce qui se racontait. Aux questions gênantes qu'il lui posa, la mère ne put que baisser la tête jusqu'à ce que Merlin, qu'elle tenait dans ses bras, éternuât bruyamment et s'écriât :
- Ce n'est pas de si tôt que vous la condamnerez, monsieur le Juge...
- Ah ! fit le magistrat qui n'en croyait pas ses oreilles. Et tu vas me dire pourquoi, j'espère...
- Certainement, répondit Merlin imperturbable, car si l'on condamnait toutes les personnes qui ne peuvent avouer le nom du père de leur enfant, il y aurait ici quantité de gens qui seraient brûlés. Je le ferais bien voir, si je voulais. Et, ajouta le poupon belliqueux, je connais mieux mon père que vous le vôtre, monsieur le Juge, ne vous en déplaise... À ces mots, le magistrat, le rouge au front, se disait : « ce garçon est extraordinaire. Non, je ne puis le tuer. »
- Qui donc est ton père ? dit-il enfin de sa voix la plus douce.
- Un de ces diables qui ont nom incubes et qui habitent l'air. De lui, j'ai la science infuse et celle des choses faites, dites, et passées. Je connais également celles qui doivent arriver...
- Les choses faites, dites et passées... répéta le juge en tremblant. Et comme il ne devait pas avoir la conscience bien tranquille, il décida de laisser la mère de Merlin en liberté. Celui-ci vécut heureux et choyé auprès d'elle jusqu'à l'âge de sept ans.

La tour croulante

Il y avait alors en Bretagne un roi qui se nommait Constant. Il mourut bientôt en laissant deux enfants en bas âge : Moine et Uter Pendragon. Or, le sénéchal du royaume, un certain Voltiger, homme féroce, plein d'ambition, et qui briguait le trône, donna l'ordre de tuer les enfants. Uter Pendragon eut la chance d'échapper à cet ordre en partant clandestinement, avec de fidèles amis, pour une ville étrangère. Et Voltiger, se croyant sûr de pouvoir agir à sa guise, ne tarda guère à se faire couronner roi de Bretagne. Mais il n'était pas digne d'une aussi haute charge. Il n'aimait que les honneurs et point du tout ses sujets. Et ses sujets le savaient bien, qui haïssaient ses petits yeux au regard méchant, et sa bouche large et mince qui ne s'ouvrait que pour blâmer et punir. Voltiger, en dépit de cette impopularité qu'il sentait grandir autour de lui, était décidé à demeurer roi coûte que coûte. Aussi voulut-il, pour se protéger, faire bâtir aux portes de la ville une tour si haute et si forte qu'elle ne pût jamais être prise. Les maçons se mirent donc à l'oeuvre, mais à peine la tour commençait-elle de s'élever de trois ou quatre toises au-dessus du sol, qu'elle s'écroula. Voltiger convoqua ses maîtres maçons et contenant à peine son mécontentement, il leur commanda d'employer la meilleure chaux et le meilleur ciment qu'ils pourraient trouver. Et gare à eux si le travail ne s'accomplissait pas correctement ! Ainsi firent-ils, vous le pensez bien. Hélas ! quand elle fut presque achevée, une seconde fois, la tour s'écroula. Puis une troisième, et une quatrième. Si bien que les châtiments tombaient drus sur les maçons et que le roi enrageait de plus en plus. Finalement, dans la crainte de ne jamais voir sa tour édifiée, Voltiger s'avisa qu'il valait mieux s'adresser aux mages et aux astronomes qu'aux maçons. Après onze jours de graves discussions, ceux-ci persuadèrent le roi que la tour ne tiendrait jamais si l'on ne mélangeait au mortier le sang d'un enfant de sept ans, né sans père.
- Que douze messagers partent immédiatement à travers la Bretagne et ramènent un enfant qui réponde à ces conditions, ordonna Voltiger.
Un beau matin, l'un de ces messagers rencontra sur sa route des jeunes garçons en train de s'amuser. Parmi eux se trouvait Merlin. Et Merlin, qui connaissait toutes choses, s'avança vers lui et dit :
- Je suis celui que tu cherches, Messager. Enfant sans père dont tu dois rapporter le sang a ton roi.
- Qui t'a dit cela ? demanda le messager interloqué. Ce garçon ne ressemblait pas tout à fait aux autres garçons. Il n'avait pas le regard rieur et naïf des jeunes enfants.
- Si tu me certifies que tu ne me feras aucun mal, j'irai avec toi et je t'expliquerai pourquoi la tour ne tient pas, poursuivait Merlin. Mais je pourrais d'abord te montrer que je sais bien d'autres choses, ajouta-t-il négligemment.
- Vraiment ? dit le messager. Allons Parles... Et il regardait Merlin avec une méfiance non déguisée.
- Eh bien, il s'agit d'une tour que le roi Voltiger voudrait bâtir, mais la tour s'écroule toujours. Alors il a réuni des mages... Du geste, le messager l'interrompit. Il se disait : « ce garçon est extraordinaire. Non, je ne puis le tuer. »
- Viens avec moi, ordonna-t-il à Merlin. Et, saisissant le bras de l'enfant, il ajouta plus doucement : n'aie pas peur. Merlin, lisant dans sa pensée, accepta volontiers de le suivre. Auparavant, il alla embrasser sa mère qu'il rassura pleinement. Tout au long du chemin, le messager acquit la conviction que Merlin était l'être le plus prodigieux qui eût jamais foulé le sol breton et qu'il se devait, en conséquence, de le maintenir en vie. Seulement, quand il arriva à quelques kilomètres du palais, il se demanda comment il s'y prendrait avec Voltiger. Merlin aurait-il une idée ?
- Dis au roi la vérité, répondit Merlin. Donne-lui l'assurance que je lui expliquerai pourquoi il ne parvient pas à bâtir sa tour. Ainsi fit le messager, si bien que le roi, intrigué au plus haut point, manda Merlin, lequel prononça alors ces mots :
- Sous les fondations de la tour, habitent deux dragons. L'un est rouge et l'autre est blanc. Quand le poids de la tour devient trop pesant pour eux, ils éprouvent le besoin de se retourner. C'est à ce moment que les murs s'écroulent.
- Dans ce cas, il ne reste qu'une chose à faire, dit le roi, creuser le sol. Et aussitôt des ouvriers se mirent au travail. Dès qu'ils atteignirent la base des fondations, ils trouvèrent deux énormes dalles qu'ils soulevèrent. Merlin avait raison : deux dragons en sortirent qui se jetèrent sauvagement l'un contre l'autre. Stupéfaits, intrigués, Voltiger, sa cour et tous les ouvriers suivirent la bataille, qui dura deux jours. Le dragon rouge parut d'abord avoir le dessus, mais le blanc, plus agile parce que plus jeune, finit par le tuer.
Cependant, son triomphe fut bref, car il se coucha et mourut à son tour. S'adressant à Voltiger, Merlin lui dit :
- Maintenant, tu peux faire édifier une tour. Voltiger hocha la tête. Après un temps de réflexion, il demanda :
- Saurais-tu me dire ce que signifie la bataille des deux dragons ? Merlin sourit :
- Promets-moi d'abord de ne point me malmener pour t'avoir dit la vérité.
- Je te le promets.
- Alors, écoute bien : le dragon rouge, c'est toi, Voltiger, le dragon blanc, c'est Uter Pendragon. Dans quelques jours, vous entrerez en lutte : toi pour garder, lui pour reconquérir son royaume usurpé. Et le dragon blanc sera vainqueur du dragon rouge. À ces mots, le roi pâlit. Uter Pendragon était-il donc encore un vivant avec lequel il fallait compter ? Le coeur lourd d'angoisse, il décida par prudence d'envoyer une armée à Wenchester. Pouvait-il se douter que lorsque ses gens verraient luire au soleil les bannières d'Uter Pendragon sur le bateau qui l'amenait de Petite Bretagne au-devant de cette armée menaçante, ils le reconnaîtraient aussitôt pour leur roi légitime ?
C'est ce qui arriva pourtant et Voltiger, abandonné de ses soldats et de ses amis, n'eut que le temps de s'enfuir dans un de ses châteaux forts. Il y demeura quelques jours en proie à la peur, puis, ainsi que l'avait prédit Merlin, il mourut pendant l'assaut qu'Uter Pendragon donna à la forteresse.

Jeux de Merlin

Il advint qu'Uter Pendragon, devenu roi de Grande-Bretagne entendit parler de l'extraordinaire Merlin, qui non seulement connaissait toutes choses, mais possédait encore de singuliers pouvoirs. Le roi décida donc de le faire vivre à sa cour, et envoya des messagers à sa recherche, sachant qu'il se cachait dans la forêt de Northumberland.
Un jour que l'un de ces messagers parcourait cette forêt épaisse et toute bruissante du murmure des feuilles, il aperçut, vêtu d'un bliaud élimé, les cheveux hirsutes, la barbe longue, et portant sur 1'épaule la cognée des bûcherons, un homme très maigre qui l'aborda en ces termes :
- Beau Sire, vous ne faites guère, me semble-t-il, la besogne dont vous a chargé votre seigneur...
Amusé autant que déconcerté par cette remarque, l'enquêteur s'arrêta et, d'un ton de plaisanterie, demanda au bûcheron de quoi il se mêlait. Sans répondre directement à la question, celui-ci déclara :
- Si je cherchais Merlin, il y a belle lurette que je l'aurais trouvé ! Cependant, il m'a recommandé de vous dire qu'il se rendra au palais si le roi en personne vient le quérir en cette forêt. Ce qui eut pour résultat de faire ouvrir des yeux tout ronds de stupéfaction à l'enquêteur. - Merlin ! répétait-il. Tu connais donc Merlin... ? Le bûcheron hocha la tête, puis il disparut dans un fourré après une pantomime compliquée autant qu'intraduisible. Quand le roi Uter Pendragon apprit la chose, il n'hésita pas une seconde :
- Je pars au-devant de Merlin, dit-il. Et c'est ainsi que le roi et ses gens chevauchaient, un beau matin d'automne, à travers feuilles et buissons odorants et jaunis. Parvenus a une clairière, ils virent un troupeau de moutons, puis le jeune berger qui les gardait. Ils l'interrogèrent.
- Connaîtrais-tu Merlin, par hasard ?
- Certes, répondit le berger.
- Tu es son ami ?
- J'attends un roi et si ce roi venait, je saurais bien le mener à Merlin.
- Eh bien, conduis-nous à lui... Comme le berger se grattait la tête et paraissait hésiter, Uter Pendragon s'avança et se nomma.
- Je suis le roi lui-même, dit-il.
- Et moi je suis Merlin, dit le berger.
Les compagnons du roi poussèrent des cris d'indignation. Quoi ! Ce berger presque contrefait se prendre pour... Mais ils n'eurent pas le temps de terminer leur phrase : à la place du berger apparut le jeune enfant qui avait expliqué à Voltiger devant tous ses courtisans ce que signifiait la bataille des deux dragons. Alors, le roi et ses compagnons, fort impressionnés, le saluèrent et l'entourèrent.
C'est ainsi qu'on apprit, pour la première fois, en Grande-Bretagne, que Merlin possédait le pouvoir de se transformer à sa guise et de prendre l'apparence d'un autre. Cependant, Uter Pendragon eut beau lui promettre monts et merveilles, Merlin refusa de vivre à sa cour. Comme c'était un sage, il se contenta de remercier le roi et de l'assurer de son aide, préférant laisser aller les choses et ne point donner aux courtisans des sujets de jalousie, ce dont il eût été le premier à pâtir. Le roi s'inclina, mais dès qu'un problème se posait, qu'une question restait sans réponse, il appelait Merlin qui accourait.
Ce fut ainsi que grâce à lui, Uter Pendragon put vaincre des ennemis redoutables, les Saines, et grâce à son pouvoir d'enchanteur, donner aux soldats morts, près de Salisbury, un cimetière aux pierres tombales venues d'Islande, si longues et si lourdes que nul homme n'aurait pu les soulever, même avec un engin. Et tant que le monde durera, ces pierres seront là...



La duchesse de Tintagel

Uter Pendragon était maintenant fort et puissant ; cependant, au milieu de ses soldats, il lui arrivait de s'ennuyer. Il songeait alors à la présence d'une reine auprès de lui, mais aucune femme ne lui paraissait assez belle ni assez sage pour lui plaire. Un jour, pourtant, il décida de rassembler pour une grande fête, dans son château de Carduel, au Pays de Galles, les seigneurs des environs, avec les dames et demoiselles. Il vint beaucoup d'invités, et parmi eux, Ygerne, l'épouse du duc Hoel de Tintagel. Dès que le roi la vit, il en tomba amoureux. Mais il n'y avait place, dans le coeur de la belle Ygerne, que pour son mari, en dépit des amabilités de toutes sortes que lui prodigua son suzerain. Convaincu qu'il ne pourrait jamais la conquérir, Uter Pendragon en éprouva un si profond chagrin qu'il en serait peut-être mort, si Merlin... Oui, si Merlin l'enchanteur n'était accouru à son secours.
- Que faire ? Que faire ? gémissait le roi.
- Sire, pourriez-vous me promettre un don... ?
- Je n'ai rien à te refuser, Merlin... Merlin souriait.
Le roi songeait déjà, à son intention, à quelque récompense, mais à sa grande surprise, Merlin fit simplement préparer les chevaux.
- Voudrais-tu voyager ? demanda le roi.
- Nous allons partir tout de suite pour Tintagel, répondit Merlin. Peu avant d'arriver au château, Merlin descendit de son palefroi et cueillit une touffe d'herbe au bord du ruisseau. Puis, la donnant au roi :
- Il serait bon, sire, que vous vous en frottiez la figure, dit-il. Se demandant ce qui allait bien lui arriver, le roi se hâta d'obéir et aussitôt, il prit la taille et les traits du duc Hoel de Tintagel. Quand il se regarda dans le ruisseau, il n'en croyait pas ses yeux. À la porte du château, les guetteurs n'éprouvèrent aucun doute, et le firent entrer, le reconnaissant pour leur maître. Il était tard et la nuit ne se parait ni de lune ni d'étoiles. Qui fut encore trompée par les apparences et accueillit Uter Pendragon en croyant recevoir son époux ? Ygerne, bien sûr, pour le plus grand bonheur du roi. Hélas ! la semaine n'était pas terminée, qu'Ygerne apprenait que son mari avait été tué au cours d'un combat la nuit même où elle l'avait cru de retour. Jugez de son désarroi. La pauvre duchesse de Tintagel pleura toutes les larmes de son corps
Cependant, Uter Pendragon l'aimait toujours et même davantage. Il s'empressa donc de solliciter sa main. Désemparée et libre désormais, Ygerne la lui accorda. Mais, honnêtement, elle tint à ce que le roi sache ce qui lui était advenu, certaine nuit très sombre, comment elle avait cru voir son mari. Le roi hocha la tête et sourit mystérieusement.
- Ce n'est pas tout, dit Ygerne.
- Quoi donc, ma belle amie ? Et Ygerne avoua qu'elle serait bientôt mère. Alors le roi soupira et dit doucement :
- Il ne faut en parler à personne. Quand votre enfant sera né, nous le confierons à quelqu'un qui s'en occupera. Ce fut alors que Merlin rappela au roi la promesse qu'il lui avait faite, et sollicita, en guise de don, le nouveau-né.
- C'est entendu, dit Uter Pendragon, cet enfant est tien. Et Merlin le remit à l'un des plus honnêtes chevaliers du royaume, Antor, qui le fît baptiser sous le nom d'Artus et qui l'éleva en compagnie de son propre fils que l'on appelait Keu. Personne, sauf Merlin, ne se doutait du fabuleux destin qui attendait Artus.

La pierre merveilleuse

Seize années s'écoulèrent. Uter Pendragon mourut, deux ans après Ygerne. Comme il n'avait point d'héritier direct, les barons du royaume trouvèrent une solution très simple : demander à Merlin de leur en désigner un.
- Attendez le jour de Noël, répondit Merlin.
Donc, la veille de Noël, les barons se réunirent à Londres et parmi eux se trouvait Antor avec Keu et Artus, ses deux enfants dont il ne savait à présent lequel il préférait. En procession, ils allèrent tous à la messe de minuit, puis, selon la coutume, à la messe du jour. Quand ils sortirent de 1'église, ils entendirent des cris, tout un brouhaha et ils demandèrent ce qui se passait d'extraordinaire. On leur montra une grosse pierre au milieu de la place, venue on ne sait d'où, qui ne ressemblait à rien, avec à son sommet une enclume de fer dans laquelle une épée se trouvait fichée jusqu'à la garde. Vous pensez si les langues allaient bon train. Chacun cherchait une explication à ce phénomène.
- Cela vient du ciel, disaient les uns.
- Du ciel ou de l'enfer, répliquaient les autres.
- D'où qu'elle soit, il nous faut bénir cette pierre, dit l'évêque. Tout en s'apprêtant à accomplir ce geste pieux, il se baissa et fronça les sourcils : ce qu'il venait de découvrir le laissa quelques secondes sans voix. Puis il lut clairement, de telle façon qu'ils fussent entendus de tous, ces mots inscrits en lettres d'or sur la pierre : Celui qui ôtera cette épée sera le roi.
Il y eut alors une véritable bousculade. Tous les barons, puissants et hauts seigneurs, se précipitèrent pour lire à leur tour ces mots magiques et certains voulurent tirer au sort pour décider qui en ferait les premiers l'essai. Une querelle s'ensuivit et l'on entendait déjà le cliquetis des armes, quand l'évêque intervint en choisissant lui-même deux cent cinquante chevaliers pour tenter l'aventure. Or, pas un, malgré beaucoup de force, d'adresse et de bonne volonté, non, pas un ne parvint à faire bouger l'épée. Qui en fut amusé ? Keu et Artus, ces deux grands adolescents de seize ans qui observaient la scène d'un oeil critique. Estimant qu'eux aussi avaient droit à cette étrange « course à l'épée », la prenant comme un jeu, ils s'approchèrent de la pierre fabuleuse. Artus dit :
- Voyons si je pourrai... Mais avant qu'il eût achevé sa phrase, il tirait 1'épée par la poignée et la montrait à Keu et à Antor médusés.
- Beau fils, est-ce toi qui serais désigné... ? murmurait Antor.
Déjà des barons accouraient, déjà des protestations véhémentes s'élevaient. Avait-on jamais vu un homme de naissance obscure devenir roi de Bretagne ? Il fallut, une fois encore, l'intervention de l'évêque pour calmer les esprits.
- Or ça, Messieurs, que diriez-vous de la Chandeleur pour recommencer l'expérience ? fit le prélat. La proposition fut adoptée, et, avec quelle impatience, tous attendirent la Chandeleur. Quand ils purent de nouveau tenter leur chance, il n'y en eut aucun qui ne montra joyeux visage. Seul Artus tira, avec autant de facilité que si elle avait été enfoncée dans une motte de beurre, la fameuse épée... Pouvait-on imaginer, dès lors, qu'il n'était pas l'élu de Dieu ? Artus fut donc sacré roi de Bretagne et la pierre merveilleuse disparut. Cependant, à cette lointaine époque comme aujourd'hui, l'unanimité n'était pas facile à faire. Et des esprits chagrins contestèrent la légitimité du roi Artus. Voilà pourquoi onze des plus puissants barons s'assemblèrent bientôt ; ils décidèrent alors de lui déclarer la guerre. Déterminés à vaincre ou à mourir, ils firent le siège du château de Kerléon où Artus s'était enfermé. Ils allaient lancer un dernier assaut contre la forteresse, quand Merlin intervint, les regardant de travers comme quelqu'un qui est très mécontent. Du haut d'une tour, il leur expliqua qu'Artus n'était pas le fils d'Antor, ni le frère de Keu, mais qu'il appartenait, par sa naissance, à un rang beaucoup plus élevé qu'aucun d'entre eux... Et pour confirmer ce qu'il avançait, il leur conta l'histoire d'Uter Pendragon et d'Ygerne. Allez donc convaincre des barons bretons ! Ceux-ci s'entêtèrent à déclarer qu'ils ne voulaient pas d'Artus pour roi, car c'était un bâtard.
Merlin, qui les voyait réunissant déjà leurs bannières pour reprendre le combat, fit alors un grand geste, jetant ainsi un enchantement. Instantanément, toutes les tentes des barons rebelles se mirent à flamber. L'incendie crépitait pendant que dans une terrible mêlée, les gens d'Artus et les gens des barons luttaient et s'entretuaient. Artus eut sa lance rompue. Et quoiqu'il fût assez mal en point, il tira aussitôt son épée, celle qu'il avait arrachée à la pierre merveilleuse. Elle portait un nom : Escalibor, ce qui signifie en hébreu « tranche fer et acier », et elle jetait autant de clarté que deux gros cierges allumés. Tout ragaillardi, Artus s'élança de nouveau dans le combat et tailla en pièces l'armée des rebelles, aidé de Keu devenu son sénéchal, d'Antor, et de beaucoup d'autres de ses fidèles, si bien qu'à la fin de la journée, les barons avaient fui, si honteux que plus ne se peut, laissant armes et vaisselles d'or et d'argent sur le terrain.

Départ pour la Carmélide

Quand le roi Artus constata les grands pouvoirs de Merlin, songeant qu'il ne pouvait se passer d'un aussi précieux concours, il l'invita à venir vivre à la cour, laquelle se tenait alors à Londres. Merlin lui conseilla de faire don, en quantité, de vêtements, d'argent et de chevaux, et d'armer nombre de nouveaux chevaliers. Artus se rendit à cet avis et ainsi se gagna les coeurs. Tous acquirent alors la conviction qu'ils ne pouvaient vivre ailleurs. Un jour, Merlin, qui connaissait l'avenir, dit a Artus :
- Sire, le moment est venu de vous engager comme simple chevalier au service du roi Léodagan de Carmélide. Vous en tirerez grand avantage. Il se garda bien d'en dire plus, bien que le roi poussât de grands cris. Quoi ! Laisser sa terre pour prêter main-forte au vieillard qu'était Léodagan, lequel avait maille à partir avec de redoutables voisins... Merlin n'y pensait pas. Or, Merlin s'obstina.
- Partez, Sire, sans tant vous inquiéter, et vous verrez ce qui arrivera. Cependant... Il s'interrompit, se lissa la barbe, et lorsque Artus lui eut demandé de poursuivre, il dit :
- Cependant, emmenez donc avec vous le roi Ban de Bénoïc et le roi Bohor de Gannes, qui sont du reste en route, à cette heure, pour vous rendre hommage. Ces deux frères, rois de Petite Bretagne, ont toutes les qualités de chevaliers. Artus fut sage et vit bien que son intérêt était de faire ce que lui conseillait Merlin. Aussi se réjouit-il de la visite des deux rois et il annonça qu'il allait immédiatement donner des ordres pour qu'il y eût en leur honneur fêtes et tournois. Merlin, cependant, soupira.
- Eh bien, dit Artus, ne dois-je point faire tendre de soieries et de tapisseries, et joncher d'herbe et de fleurs les rues de Londres?
- Certes, répondit Merlin. Il vous sied de recevoir magnifiquement. Et je gage qu'il ne manquera à votre accueil qu'une reine... Artus ne dit mot, se demandant vaguement pourquoi Merlin regrettait aujourd'hui l'absence d'une reine, et s'il était vraiment urgent d'en donner une au royaume de Bretagne. Quelques semaines plus tard, quarante preux, parmi lesquels se trouvaient Artus, Ban de Bénoïc et Bohor de Gannes, parvenaient en Carmélide et se présentaient, en se tenant par la main, au roi Léodagan, qu'ils saluèrent l'un après l'autre. Le roi Ban, qui était le plus éloquent et le plus bavard de tous, dit à Léodagan que ses compagnons et lui-même lui offraient leur service, mais à une condition.
- Messire, fit Léodagan intrigué, quelle est cette condition ?
Alors Ban lui demanda de promettre de ne jamais chercher à savoir leurs noms véritables. Comme c'était là coutume assez courante, Léodagan s'inclina. Bientôt, les guetteurs donnaient le signal, apercevant au loin les premiers coureurs ennemis et la fumée des incendies. Il y eut grand branle-bas de combat. Artus et ses compagnons s'assemblèrent sous la bannière de Merlin, où un petit dragon à longue queue et une tortue semblaient lancer des flammes. La bataille fut violente, les assaillants paraissant décidés à tout mettre en oeuvre pour obtenir la victoire : et les lances se heurtèrent et les épées frappèrent les heaumes et les écus, dans un tel tintamarre que le tonnerre n'eût pu se faire entendre. Or, il advint que les gens de Léodagan furent, un moment, en mauvaise position, enfoncés par les gens du redoutable roi Claudias de la Déserte. Léodagan fut même renversé de son cheval et pris par ses ennemis. Merlin le sut dans le même instant.
- À moi, francs Chevaliers ! s'écria-t-il en apparaissant sur le champ de bataille et en levant son enseigne flamboyante. Artus et ses compagnons, qui luttaient avec rage, arrivèrent aussitôt au grand galop.
- On verra qui preux sera ! cria encore Merlin.
Puis il donna un coup de sifflet, et un vent impétueux se leva qui fit tourbillonner un immense nuage de poussière derrière lequel nos quarante compagnons, lâchant le frein et piquant des deux, coururent sus aux ennemis aveuglés. Ceux-ci abandonnèrent le roi Léodagan sur le champ de bataille, et, têtes baissées, sous une grêle de traits, s'enfuirent à toutes jambes. Les gens de Léodagan s'empressèrent alors de lui donner un cheval et de nouvelles armes, puis tous repartirent à bride abattue derrière leur porte-enseigne. À ce moment, le dragon de l'enseigne de Merlin se mit à vomir des brandons enflammés, si bien que tout s'embrasa et que les derniers résistants lâchèrent pied. Seul un géant, le duc Frolle, eut encore le courage de prendre à deux mains sa masse de cuivre, si lourde que peu d'hommes eussent pu la soulever, et se mit à en asséner des coups autour de lui.
Artus s'élança à sa poursuite, son épée Escalibor à la main. Frolle tira la sienne ; elle avait nom Marmiadoise. Dès qu'elle jaillit hors du fourreau, si grande était la clarté qu'elle répandait, que le champ de bataille en fut illuminé et qu'Artus fit un pas en arrière.
- Sire chevalier, dit alors le géant, je ne sais qui tu es, mais pour ta bravoure, je te ferai grâce. Rentre ton arme et je te laisserai aller. À ces mots, le roi Artus sentit le rouge de la honte lui monter au visage.
- C'est à toi de mettre bas cette épée, dit-il, et sache que le fils d'Uter Pendragon ne recule pas devant la mort.
- Serais-tu donc le roi Artus ? Et aussitôt le géant se jeta sur lui, mais Artus sut adroitement 1'éviter et se défendit grâce à Escalibor ; il lui en donna un si grand coup sur le bras que Frolle laissa choir son épée. Étourdi, il fut emporté par son cheval dans la forêt immense. Quand la nuit s'installa, le calme régnait. Les rois Ban et Bohor demandèrent à Artus s'il n'avait point trop de mal.
- J'ai réussi au-delà de toute espérance, dit-il. C'est ainsi qu'en plus de mon épée Escalibor, qui a fait merveille, j'ai pu ramasser Marmiadoise, 1'épée du géant Frolle, qui étincelle comme un diamant dans l'ombre.

Guenièvre de Carmélide

Déjà les tables étaient mises pour le repas quand arrivèrent au palais de Léodagan nos trois rois et Merlin. Léodagan, les attendant, s'était appuyé à une fenêtre. Et dès qu'il les vit venir, il alla à leur devant et leur fit fête. On leur prit leurs chevaux, on les désarma, et on les conduisit par la main dans une salle richement ornée où une demoiselle d'une grande beauté leur présenta l'eau chaude dans un bassin d'argent. C'était la fille de Léodagan, Guenièvre, et on ne pouvait alors trouver plus belle personne en Bretagne. De sa main, elle leur lava le visage et le cou, qu'ils avaient couverts de poussière du champ de bataille, et elle leur passa à chacun un fort élégant manteau.
Dès l'instant où Artus en fut revêtu, il plut à Guenièvre, qui ne fut pas longue à comprendre que lui aussi l'observait à la dérobée, avec un intérêt mêlé d'admiration. Ses grands yeux bleus pétillèrent alors de gaieté, ce qui la rendit encore plus attrayante, si la chose se pouvait. Léodagan conduisit ses hôtes à table, et il remarqua qu'Artus prenait place entre Bohor et Ban. Ignorant, d'après leurs conventions, qui ils étaient, il supposa qu'Artus était le seigneur des deux autres. « Plût à Dieu qu'il épousât ma fille, c'est un parfait chevalier et un homme de haut rang », songea-t-il. Cependant, Guenièvre offrait le vin à Artus dans la coupe du roi, agenouillée devant lui, et il la trouva si belle qu'il en oubliait de boire et de manger. Il se tourna légèrement pour que ses voisins ne vissent point son émoi, mais Guenièvre, elle, s'en aperçut très bien.
- Messire, buvez, lui dit-elle, et ne m'en veuillez pas si je ne vous appelle point par votre nom, car je l'ignore. Ne soyez pas distrait à table, ne l'étant point aux armes, comme nous avons pu le constater aujourd'hui. Alors, il prit la coupe et but. Les nappes ôtées, Ban vint s'asseoir à côté de Léodagan. Et lui qui aimait tant discourir, il lui fit maints compliments de Guenièvre.
- Sire, lui dit-il encore, il arrive un moment où il nous faut songer à l'avenir. Or, vous n'avez pas d'autre enfant qui puisse hériter de vos terres. N'est-ce point imprudent de ne pas la marier ?
- Il y a sept ans que le roi Claudius de la Déserte me fait la guerre, répondit Leodagan en soupirant. Et je n'ai pas trouvé le temps de penser à ma fille. Mais s'il se présentait quelque gentilhomme qui puisse me défendre, je la lui donnerais volontiers et il aura ma terre après moi, je ne regarderai ni au lignage ni au rang. En entendant ces propos, une lueur de malice passa dans les yeux de Merlin, qui émit un petit grognement amusé. Puis, ayant accompli sa mission, il partit.

Viviane

En ce temps-là, il y avait au coeur de l'Armorique une vaste forêt qui allait de Fougères à Quentin, de Corlay à Camors, et de Faouët à Redon. C'était la forêt de Brocéliande. Le vent y jouait constamment et les arbres s'inclinaient en des révérences sans fin, sur une étendue qui mesurait bien trente lieues de longueur et vingt de largeur. À travers cette forêt erraient des créatures extraordinaires comme fées et sylphes.
Il y avait Dyonas, qui était filleul de Diane, la déesse des bois, et dont la fille, Viviane, rôdait jour et nuit parmi les arbres et s'amusait avec les papillons. Un jour qu'elle se trouvait assise près d'une source où les korrigans et les fées venaient habituellement se mirer, elle vit passer un très beau jeune homme, haut de taille et brun de cheveux, qui allait à pas de promenade, fredonnant pour lui-même. Arrivé près d'elle, il s'arrêta, s'appuyant sur une branche, et la salua, mais sans ajouter un mot de plus. C'était Merlin, qui sentait battre si fort son coeur devant la grande beauté de cette jeune fille, qu'il redoutait de perdre sa liberté d'esprit.
Eh ! oui, Merlin savait qu'il venait de rencontrer Viviane, il savait qu'il était désigné pour l'aimer et être aimé d'elle, et qu'il lui serait soumis entièrement dès qu'ils se seraient entretenus tous deux. Or, Viviane, comme toute femme, était curieuse, et elle lui demanda :
- Qui êtes-vous, beau Sire ?
- Je suis un valet errant qui cherche le maître qui m'apprenne mon métier.
- Peut-on savoir quel métier ?
Merlin s'assit au bord de la source, prenant place près de Viviane et répondit :
- Par exemple, à soulever un château fort, fût-il assiégé par des soldats.
- Ou bien à marcher sur un étang sans se mouiller les pieds, ou bien encore à faire naître une rivière et beaucoup d'autres choses... Viviane battit des mains :
- Quel beau métier !
Ah ! je voudrais vous voir à l'oeuvre. Je serais alors votre amie, en tout bien tout honneur, ajouta-t-elle, coquette. À ces mots s"augmenta 1'émoi de Merlin, qui accepta de lui montrer une partie de ses jeux et de ses talents. Il y mit pourtant une condition :
- Que j'aie votre amour, sans vous demander plus.
Viviane jura qu'elle y consentait. Alors, avec la branche sur laquelle il s'appuyait, Merlin traça un cercle sur le sol. Ce geste étonna Viviane ; elle promenait ses yeux autour d'elle et ne voyait rien d'extraordinaire, mais, quelques secondes plus tard, surgirent de belles dames et de beaux messieurs qui faisaient une grande ronde et chantaient joyeusement. Certains se mirent à danser sous les arbres soudainement chargés de fruits, tandis qu'au loin se profilait un château devant lequel s'étendait une pelouse avec de grands parterres de fleurs. On eût dit que Merlin avait fait naître le paradis. Fascinée, Viviane observait lentement toutes choses, s'arrêtant devant les danseurs, tentant de fredonner leurs refrains.
- Que vous en semble ? dit Merlin. Etes-vous toujours preste à tenir votre serment ?
- Certes, Messire, et de coeur je vous appartiens. Mais vous ne m'avez encore rien appris...
- Je le ferai un jour, c'est promis. Dès que la lune brilla, les belles dames et leurs cavaliers disparurent, ainsi que le château, seul demeura le verger, à la prière de Viviane, qui le nomma « Repaire de joie et de liesse ».
- Maintenant, dit Merlin, je dois partir.
- Êtes-vous donc si pressé de me quitter ? Et sans m'avoir rien enseigné encore...
- Il faut du temps, gentille Damoiselle... Mais Viviane voulait connaître tout de suite le secret de Merlin : elle était prête à demeurer là toute la nuit et même à consentir à tout ce que Merlin exigerait, quand elle saurait comment on accomplissait de tels prodiges. Alors Merlin lui expliqua la manière de faire couler une rivière où il lui plairait. Viviane contemplait cette eau merveilleuse avec extase, après avoir écrit la recette sur un parchemin. À peine s'aperçut-elle que Merlin la saluait en lui promettant de revenir bientôt.

Fiançailles d'Artus

Merlin s'en retourna en Carmélide, où le roi Léodagan l'accueillit avec joie. Mais il se demandait toujours qui pouvaient bien être ceux qui l'avaient si courageusement aidé à vaincre ses ennemis. Le seul moyen de faire taire sa légitime curiosité était, lui semblait-il, de poser la question à Merlin. Ce qu'il fit un beau jour.
- Sire, répondit Merlin, en désignant Artus, sachez que ce jeune homme est de plus haut rang que vous-même, qui êtes un roi couronné.
Nous allons de par le monde pour le mieux connaître et en espérant trouver une épouse digne de ce jeune homme... Vous vous doutez bien que Léodagan songea immédiatement à lui offrir sa fille, la plus belle et la plus sage qui fût... Comme Merlin l'assurait qu'elle serait acceptée de bon coeur, il la fit quérir à l'instant même. Quand Guenièvre fut là, il manda tous les chevaliers qui étaient au palais et dit, en mettant la main de la jeune fille dans celle d'Artus :
- Messire, dont j'ignore encore le nom, recevez ma fille pour femme avec tout ce qu'elle aura d'honneurs et de biens après ma mort.
Artus, radieux, s'inclina. Merlin révéla alors le nom des quarante preux, tous fïls de roi et de reine, qui avaient accompagné Artus, roi de Bretagne, celui-là même qui venait de se fiancer. À cette nouvelle, la joie de Léodagan et des assistants fut immense, et tous firent hommage au roi Artus. Cependant, quelques jours après, Artus annonça qu'il se voyait dans l'obligation de s'éloigner quelque temps, car il lui restait encore des ennemis à vaincre.
Alors, Guenièvre lui donna un heaume pour se couvrir la tête, et il partit à cheval, suivi de ses quarante compagnons.

Artus et les chevaliers

Après avoir chevauché quelques heures, ils éprouvèrent le désir de se reposer. On était au printemps. La beauté du ciel, le chant des oiseaux, la fraîcheur de la verdure naissante les plongèrent dans une douce rêverie. Ils n'en sortirent que pour s'apercevoir que quatorze jeunes gens, tous beaux et bien vêtus, les regardaient. Ces jeunes gens demandèrent où était le roi Artus. Aussitôt désigné, le roi les vit s'agenouiller devant lui pour lui dire qu'ils désiraient tous recevoir de lui l'ordre de la chevalerie, afin de le servir loyalement et fidèlement. Déjà, durant son absence, ils avaient défendu ses terres contre de terribles agresseurs. L'air noble des jeunes gens, cette prévenance en sa faveur, inclinèrent Artus à demander qui ils étaient. Celui qui les conduisait se présenta d'abord : c'était Gauvain, fils du roi d'Orcanie. Puis il nomma ses compagnons. Artus leur fit le meilleur accueil et embrassa Gauvain, qui se trouvait être son neveu.
- Je vous octroie la charge de connétable, lui dit-il.
Et il l'investit par son gant gauche. Quelques jours après, ils arrivèrent tous à Logres. Et là, le roi Artus prit Escalibor, la bonne épée, et la pendit au flanc gauche de Gauvain, puis il lui chaussa 1'éperon droit, tandis que le roi Ban lui bouclait le gauche, les éperons d'or étant le signe distinctif des chevaliers. Enfin, il lui donna l'accolade. Il adouba de même, c'est-à-dire revêtit d'une armure ses compagnons, et leur distribua des épées. Seul l'un d'eux, Sagremor, neveu de l'Empereur de Constantinople, ne voulut point d'autre épée que celle de son pays. Puis, chacun des nouveaux chevaliers adouba à son tour les gens de sa maison. Et pour finir, ils allèrent tous ouïr la messe. Au retour, Merlin, devant le roi, les seigneurs et les nouveaux chevaliers assemblés, leur conta l'histoire du Graal. Pour finir, il dit, s'adressant à Artus :
- Sire, il vous appartiendra à présent de dresser la table du Graal, d'où il adviendra quantité de merveilles.
- La table sera dressée au château de Carduel, en Galles, répondit Artus et le jour de Noël, j'élirai les chevaliers qui auront droit d'y siéger.

Merlin et Viviane

Une seconde fois, Merlin s'en alla rejoindre Viviane, ainsi qu'il le lui avait promis. Vous devez croire qu'il avait grand désir de s'y rendre très vite. Pourtant, il fit un détour au royaume de Bénoïc, en Petite Bretagne, puis au royaume de Gannes, où il conta ce qui s'était passé en Carmélide. Et sachant toutes choses, il demanda aux rois de ces pays de prendre la mer avec des soldats afin d'aider Artus à chasser les Saines du royaume de Logres. Alors, satisfait de leur réponse, il s'en fut donc en forêt de Brocéliande. Quand Viviane l'aperçut, elle courut à lui, et tous deux éprouvèrent une grande joie à se retrouver. Sans plus tarder, Viviane voulut connaître de nouveaux jeux.
- Beau Sire, lui dit-elle, dites-moi comment je pourrais faire dormir un homme aussi longtemps qu'il me plairait...
Elle se garda bien de lui révéler pour qui elle désirait cette science, car elle croyait que Merlin ne la lui aurait pas enseignée. Mais Merlin lisait dans sa pensée. Et il savait qu'elle invoquait une fausse raison quand elle ajouta :
- J'aimerais endormir mon père Dyonas, et ma mère, quand vous viendrez me voir, pour être tout à fait libre.
Merlin refusa.
Viviane n'en parut que peu contrariée. Déjà, elle était sûre d'elle-même et de son pouvoir sur Merlin, et, quand arriva le dernier jour, ainsi qu'elle le prévoyait, Merlin céda. Ils se trouvaient alors tous deux dans le verger nommé « Repaire de joie et de liesse », et Merlin lui apprit non seulement ce qu'elle désirait, mais beaucoup d'autres choses encore, par exemple trois mots qu'elle prit par écrit et qui avaient cette vertu de l'empêcher d'appartenir à un homme lorsqu'elle les portait sur elle. Merlin se munissait ainsi contre lui-même, mais il se savait si amoureux de Viviane qu'il lui céderait toujours. Alors qu'il s'en revenait à Logres, il prit l'aspect d'un vieillard affublé d'un costume démodé, mais pimpant. Or, le jour était extrêmement beau, et Gauvain, dans le dessein d'en profiter, avait demandé son cheval et avait pris le chemin de la forêt. C'est ainsi qu'il rencontra Merlin monté sur un palefroi blanc. Celui-ci l'aborda et le ramena à la réalité :
- Messire Gauvain, lui dit-il, si tu m'en croyais, tu laisserais là promenade et rêverie, car il vaudrait mieux pour ton honneur faire la guerre aux ennemis de ton roi.
Gauvain éberlué, allait répondre, mais Merlin avait déjà disparu.

La guerre aux Saines

C'est qu'en effet l'instant était grave. Les Saines, redoutables guerriers, plus nombreux que les flots de la mer, assiégeaient alors la ville de Clarence. Or, un jour où le ciel était couleur de plomb, enveloppé de brume, les Saines furent réveillés par une multitude de lances qui, telles des bêtes sauvages, se jetèrent avec fureur sur leurs tentes, abattant les mâts, renversant les pavillons et massacrant tout ce qui se trouvait sur leur passage.
L'armée des chevaliers, qui avait pour enseigne la bannière blanche à croix rouge, avançait ainsi inexorablement, chassant les Saines, qui tentaient vainement de se rallier au son de leurs cornes et de leurs buccins. Gauvain tua le roi Ysore et lui prit son cheval, le «gringalet», qui pouvait courir dix lieues sans connaître la fatigue. Les rois Artus, Ban et Bohor, et combien d'autres, firent merveille. Merlin jeta des enchantements, si bien que les Saines cédèrent et s'enfuirent de toute la vitesse de leurs chevaux, s'embarquant sur des bateaux pour une destination inconnue. Alors Artus partagea entre les chevaliers le riche butin laissé par l'ennemi, puis il fit duc de Clarence, Gasselin, l'un de ses chevaliers. Et il y eut cinq jours de grande liesse.

Mariage d'Artus

Le sixième jour, ils partirent pour la Carmélide, où Guenièvre attendait Artus. Le jour du mariage, il y eut plus de joie que jamais en un jour de fête. La salle fut couverte de joncs, d'herbes vertes et de fleurs qui embaumaient. L'été débutait, et un vent chaud avait lustré le ciel qui débordait de soleil. Guenièvre apparut aux yeux éblouis de tous, le visage découvert, ses cheveux blonds couronnés d'or et de pierreries, vêtue d'une robe lamée d'or, si longue qu'elle traînait à plus d'une demi-toise.
En cortège, les fiancés, les rois et leur cour, les barons du royaume de Carmélide, les nobles et les bourgeois se rendirent à l'église pour la bénédiction nuptiale. Ensuite, tout ce monde fit bombance, après avoir entendu les ménestriers jouer du violon, de la flûte et des chalumeaux, puis les chevaliers se divertirent à l'escrime et autres jeux, et tous dansèrent et prolongèrent ces plaisirs fort tard dans la nuit. Pas un convive n'oublia de sa vie une aussi belle journée. Une semaine après, les rois Ban et Bohor prenaient congé d'Artus, qu'ils n'avaient pas quitté depuis qu'ils guerroyaient contre les Saines, et regagnèrent leurs terres. Ils partirent en compagnie de Merlin et, ensemble, ils traversèrent la mer pour arriver en Petite Bretagne, où ils furent accueillis avec des transports d'allégresse.
Cependant, Merlin poursuivit son chemin pour aller voir Viviane, dans la forêt de Brocéliande.

Le lac de Diane

Viviane reçut son ami avec beaucoup de tendresse, si bien qu'il en tomba plus amoureux encore, si la chose se pouvait. Ayant pris la peine de lui expliquer la plupart de ses jeux, c'était elle maintenant qui lisait dans ses yeux et dans sa pensée, de telle façon qu'il n'eût jamais aucun secret pour elle. Un après-midi qu'ils se promenaient tous deux dans la forêt, Merlin conduisit Viviane au lac de Diane. Il lui fit remarquer une tombe, en marbre, où l'on voyait en lettres d'or ces mots :
Ci-gît Faunus, l'ami de Diane.
Puis il lui conta cette histoire : Faunus aimait loyalement Diane, la déesse des bois. Hélas ! celle-ci lui préféra Félix et elle n'hésita point, un jour que Faunus blessé voulut se baigner dans l'eau enchantée qui se trouvait alors à la place même de la tombe, à faire renverser une pierre sur lui, celle-là même qui fermait à présent le tombeau, où gisait écrasé le pauvre Faunus. Alors Félix, indigné par l'acte criminel de Diane, la prit par sa tresse, et lui coupa la tête de son épée.
- Et qu'est donc devenu le manoir que Diane avait fait bâtir ? demanda Viviane, après un grand moment de silence.
- Le père de Faunus le détruisit dès qu'il connut la mort de son fils. Or, devinez quelle idée vint brusquement à Viviane ? Elle émit le désir d'avoir un manoir aussi beau et aussi riche que celui de Diane. Et aussitôt, pour lui complaire, Merlin faisait jaillir, à la place du lac, un château, si merveilleux qu'il ne s'en trouvait point de semblable dans toute la Petite Bretagne.
- C'est votre manoir, ma mie, lui dit-il. Jamais personne ne le verra qui ne soit de votre maison, car il est invisible pour tout autre et aux yeux de tous, il n'y a là que de l'eau. Si, par envie ou par traîtrise, quelqu'un de vos gens révélait le secret, aussitôt le château disparaîtrait pour lui, et il se noierait en y croyant entrer.
- Mon Dieu! fit Viviane éblouie, jamais on n'entendit parler d'une demeure plus secrète et plus belle. À la voir si heureuse s'augmenta encore la joie de Merlin, qui lui apprit plusieurs autres enchantements, au point qu'il devint d'une imprudence folle.
- Beau Sire, lui dit-elle un jour, il y a encore une chose que je voudrais savoir. C'est comment je pourrais enserrer un homme sans tours, sans murs, sans fers, de manière qu'il ne pût jamais s'échapper sans mon consentement... Merlin, qui lisait dans sa pensée, répondit :
- Ma belle amie, de grâce, ne me demandez plus rien. Vous voulez m'enfermer ici pour toujours, et je vous aime si fort qu'il me faudra faire votre volonté. Viviane lui sourit tendrement :
- Je n'ai sans vous ni joie ni biens, dit-elle, et j'attends tout de vous. Puisque je vous aime autant que vous m'aimez, ne devez-vous pas faire ma volonté et moi la vôtre ?
- La prochaine fois que je viendrai vous voir, je vous enseignerai ce que vous désirez. Il y avait obligation pour Merlin de retourner, à présent, au royaume de Logres, auprès du roi Artus qui réunissait beaucoup de monde à Carduel, au moment de Noël.

Fondation des Chevaliers de la Table ronde

Et il y eut, en effet, grande réception et festin en ce jour, au château de Carduel, au pays de Galles. Merlin amusa les invités du roi en prenant diverses apparences, puis, quand les tables furent enlevées, après le repas, il rappela l'histoire du Graal ou l'histoire de ce vase contenant le sang du Christ. Or, d'après la légende, ce vase avait été transporté en Petite Bretagne.
- Et, dit Merlin, il est écrit que le roi Artus doit établir ici même une table, qui sera ronde pour signifier que tous ceux qui devront s'y asseoir ne jouiront d'aucune préséance. À la droite du roi demeurera toujours un siège vide, en mémoire du Christ. Qui se risquerait de le prendre, sans être l'élu, serait puni de mort, car il est réservé au Chevalier qui aura conquis le Graal.
- Qu'il en soit ainsi ! déclara Artus.
Et aussitôt qu'il eut parlé, surgit, au milieu de la salle, une table ronde autour de laquelle se trouvaient cent cinquante sièges de bois. Et sur la plupart d'entre eux, on lisait en lettres d'or : Ici doit s'asseoir Un Tel.
Mais sur celui qui était à la droite du fauteuil du roi, aucun nom n'était inscrit. Artus et les chevaliers désignés vinrent prendre place. On remarquait messire Gauvain, et tous ceux qui avaient défendu le royaume durant l'absence du roi. Puis Gauvain, en sa qualité de connétable, prononça, au nom de tous, le serment solennel : que jamais Dame, Damoiselle ou homme ne viendrait demander aide à la cour sans l'obtenir, et que, si l'un des chevaliers présents disparaissait, les autres, tour à tour, se mettraient sans trêve à sa recherche, pendant un an et un jour. Tous les Chevaliers de la Table ronde jurèrent, sur des reliques de saints, de tenir le serment qu'avait fait pour eux messire Gauvain. Ensuite, la reine Guenièvre proposa que quatre clercs fussent à demeure dans ce château de Carduel pour mettre par écrit toutes les aventures des Chevaliers. Le roi Artus l'approuva. Et à l'unanimité, les Chevaliers manifestèrent grande joie.

Quête de Merlin

Pour la quatrième fois, Merlin quitta la cour du roi Artus pour se rendre dans la forêt de Brocéliande. Le roi et la reine en furent peinés, car il était pour eux un excellent ami. Et d'autant plus que Merlin leur avait dit qu'il ne reviendrait pas. Était-ce possible, se disaient-ils, en le voyant disparaître au loin, sur un cheval superbement harnaché. Ayant retrouvé Viviane, Merlin céda enfin à sa prière et il lui donna les moyens de le faire prisonnier d'amour pour toujours. Mais cela, on l'ignorait à Carduel et quand trois mois furent écoulés, sans que Merlin parût, Gauvain dit au roi, qui se montrait très triste :
- Sire, je vous jure, par le serment que je fis, pour Noël, que je le chercherai, partout où cela me sera possible, durant un an et un jour.
Et tous les chevaliers l'imitèrent, et partirent en quête de Merlin à la même heure. Ils se séparèrent à une croisée de chemins. Or, un jour que Gauvain traversait une forêt après avoir longtemps erré sur les terres de Logres et ne savait où se diriger, il croisa une Damoiselle montée sur un beau palefroi noir, harnaché d'une selle d'ivoire aux étriers dorés. Elle-même était richement vêtue. Mais Gauvain, plongé dans une sombre rêverie, passa auprès d'elle sans la voir ni la saluer, ce qui représentait, pour un chevalier, une faute grave. Profondément choquée, la Damoiselle fit tourner son palefroi et aborda Gauvain, pour lui reprocher son manque de courtoisie. Et, pour le punir, elle lui souhaita de ressembler au premier homme qu'il rencontrerait. Gauvain s'inclina, ne dit mot et repartit, mais à peine eut-il chevauché quelques lieues, ses yeux s'arrêtèrent sur un nain qui marchait en compagnie d'une Damoiselle.
Se rappelant la leçon qu'il venait de s'attirer, il s'empressa de la saluer. À quelque distance, il ne comprit pas, ou il ne comprit que trop, ce qui lui arrivait : les manches de son haubert lui venaient maintenant bien au-delà des mains, et les pans lui couvraient les chevilles. Eh oui, Gauvain avait tellement diminué de taille qu'il n'était plus qu'un nain, dont les pieds n'atteignaient pas les étriers et la tête son écu... Sa peine fut si vive, qu'il se demanda, un moment, s'il n'allait pas en finir avec la vie. Mais que dirait-on, à la cour du roi Artus, d'un chevalier qui n'aurait su faire face à l'épreuve ? Et déjà, s'aidant d'un tronc d'arbre coupé pour descendre de cheval, il raccourcissait ses étriers, relevait les manches et les pans de son haubert et aussi ses chausses de fer. Puis, courageusement, il reprit la route pour être fidèle à son serment. Mais de Merlin, point ne se présentait. Personne ne l'avait vu ni ne le connaissait. Et vous devinez aisément l'angoisse de messire Gauvain qui continuait à parcourir des lieues.
Un jour, il entra dans la forêt de Brocéliande, et c'est là qu'il découvrit un étrange phénomène : une sorte de vapeur... Il ne pouvait croire que son cheval ne franchirait pas un obstacle transparent et aérien. Mais non. Obstinément, le cheval refusa d'avancer... Et, soudain, il s'entendit appeler par son nom, et reconnut la voix de Merlin.
- Où êtes-vous ? demanda Gauvain. Je vous supplie de m'apparaître...
- Non, répondit Merlin, vous ne me verrez plus jamais, et après vous je n'adresserai la parole qu'à ma mie, Viviane. Le monde n'a pas de tour si forte que la prison d'air où elle m'a enserré. Et il raconta comment, alors qu'il dormait, Viviane avait fait un cercle de son voile, autour du buisson ; et comment, quand il s'éveilla, il comprit qu'il ne pourrait plus sortir de ce cercle enchanté où Viviane le retenait prisonnier. Il dit encore :
- Saluez pour moi le roi, et madame la Reine, et tous les chevaliers et barons, et contez-leur mon aventure.
Puis il ajouta : Ne désespérez pas de ce qui vous est advenu, Gauvain. Vous retrouverez la Damoiselle qui vous a enchanté ; cette fois, n'oubliez pas de la saluer, car ce serait folie. À tout ce discours, le nain Gauvain ouvrit de grands yeux. Cependant, il reprit la route de Carduel, tout à la fois heureux et mécontent, heureux de ce que Merlin lui prédisait la fin de sa mésaventure, et mécontent de penser que son ami s'était montré, pour la première fois, plus fol que sage. Quand il traversa la forêt où il avait croisé la Damoiselle qui lui avait jeté ce mauvais sort, il craignait tant de la rencontrer et de ne pas la saluer, qu'il ôta son heaume pour mieux la voir. Et soudain, il l'aperçut aux prises avec des chevaliers félons qui lui voulaient du mal.
Gauvain s'élança alors sur eux et les combattit si bien, malgré sa petite taille, qu'il les mit en déroute. En reconnaissance de son dévouement et de sa bravoure, la Damoiselle, sur la promesse qu'il lui fît d'être toujours courtois, lui permit de redevenir ce qu'il était avant leur première rencontre. Alors messire Gauvain chevaucha si vite qu'il arriva en même temps que les chevaliers qui étaient partis comme lui pour chercher Merlin et qui revenaient, comme lui, après un an et un jour. Tous firent au roi et à la reine le récit de leurs aventures et quand vint le tour de Gauvain de raconter l'enserrement de Merlin, il provoqua chez tous une grande tristesse. Des clercs mirent ces récits par écrit. Grâce à eux, nous les connaissons aujourd'hui.

mercredi 20 janvier 2010

Contes et Légendes du Pays de Bretagne

Merlin et la fée Viviane
Nul ne sait d’où vient le nom de Merlin. Certains le situent à l’époque des druides celtiques. Les noms « Merddin », « Myrddin », puis ensuite « Merlinus » ou encore « Merilun » furent utilisés successivement pour décrire un seul et même personnage jusqu’au XIIème siècle, ou on le retrouve sous le nom de Merlin
Les ouvrages qui parlent de lui, impliquent le plus souvent Arthur et les chevaliers de la Table Ronde.. Un certain Merlinus Ambroisius aurait réellement existé, de descendance royale. L’influence chrétienne au Moyen Âge aurait transformé les écrits de départ en légende : la mère de Merlin ayant enfanté d’un antéchrist aux grands pouvoirs.
La description du personnage varie au fil du temps jusqu’à ce qu’il devienne le Merlin que l’on connaît à travers les contes : enchanteur, prophète, hommes des bois, maître des animaux, sage, magicien et proche de la nature : Merlin l’Enchanteur est associé à la bonté, au rêve, à l’humanité et à la nature…

Son rôle dans le cycle arthurien est d’aider à l’accomplissement du destin du royaume de Bretagne (royaume regroupant l’actuelle Angleterre, le Pays de Galles et la Bretagne continentale). Grâce à sa sagesse, il devient l’ami et le conseiller du roi Uther Pendragon. À la mort de celui-ci, il organise le défi de l’épée Excalibur qui permet à Arthur, fils illégitime d’Uther, de succéder à son père. Puis il incite Arthur à instituer la Table Ronde afin que les chevaliers qui la constituent puissent se lancer dans la quête du Graal. Mais Merlin ne pourra rien contre la destinée du royaume de Bretagne et la fin tragique du roi Arthur.
La légende de Merlin n’est pas à l’origine intégrée dans le cycle arthurien. Le personnage sera en quelque sorte « christianisé » pour pouvoir y figurer, mais on peut y reconnaître l’archétype du druide : proximité avec la nature, pouvoirs magiques, connaissance surnaturelle, sagesse, longue vie, rôle de guide et de conseiller des puissants. Dans un monde chrétien alors en plein essor, il représentait ce qui restait de la tradition ancienne du monde druidique.

Devin et magicien, Merlin tomba, selon la légende, éperdument amoureux de la fée Viviane, à qui il confia le secret permettant de se lier un homme à jamais. La fée Viviane entreprit donc de réaliser la recette magique, traçant les “neuf cercles” autour de Merlin endormi. Cela réussit et Merlin fut enfermé pour l’éternité dans sa geôle, au grand regret de la fée Viviane qui ne croyait pas que la chose fut possible. On dit qu’il est toujours enfermé. Et, dans la forêt de Brocéliande, sur une stèle est écrit : “ici a été enfermé Merlin l’enchanteur par la fée Viviane”.
Viviane