lundi 20 décembre 2010

La flûte Enchantée

Emmanuel Schikaneder
Die Zauberflöte (littéralement : « La Flûte Magique », ou plutôt « ayant un pouvoir d'enchantement ») fut créée le 30 septembre 1791, deux mois avant la mort de Mozart sous la direction du compositeur lui-même dans le petit théâtre de la banlieue de Vienne dirigé par Schikaneder. Schikaneder y joua le rôle de Papageno et Josepha Horfer, la sœur aînée de Constance, la femme de Mozart, celui de la Reine de la Nuit. A la fin de l'année suivante, la « Flûte Enchantée » compte déjà 100 représentations. Avant 1800, l'œuvre est jouée dans une centaine de villes.
Suite à la proposition de E. Schikaneder (qui vient d’avoir un gros succès commercial) de créer un opéra en allemand, Mozart se met au travail en mars 1791 alors qu'il est aux abois. Le sujet de l'opéra, emprunté aux « Contes orientaux » de Wieland, n'était pas en soi très original. Le livret est officiellement d’Emmanuel Schikaneder (1751-1812), ancien franc-maçon, acteur, metteur en scène et directeur du « Theater auf der Wieden » de Vienne. Il avait été exclu de la Franc-Maçonnerie le 4 mai 1789, sans y avoir dépasser le grade de compagnon. Mozart et Schikaneder s’étaient rencontrés en septembre 1780 à Salzbourg où l’acteur-directeur d’une troupe ambulante avait loué quelques semaines le théâtre municipal. Il avait demandé alors à Wolfgang d’écrire pour sa troupe quelques airs en échange d’une entrée gratuite et permanente pour toute la famille Mozart.
« La Flûte Enchantée » allie la forme populaire du Singspiel, faisant alterner les dialogues parlés et le chant, avec la forme la plus élevée du drame philosophique, et, au travers d'un canevas unissant trame maçonnique et épisodes comiques, concilie musique savante et musique populaire, on peut facilement imaginer que von Born, Franc-Maçon très influent de Vienne et ami de Mozart, a largement suggéré les idées; Schikaneder les a découpées en canevas et rédigea les scènes comiques alors que Johann Georg Metzler dit Giesecke (autre maçon qui était le bras droit de Schikaneder) rédigeait les scènes sérieuses, le tout en collaboration intime avec Mozart. Les auteurs introduisent dans le texte, des rites, idéaux et symboles d’inspiration maçonnique. Mais la véritable magie de l’œuvre revient essentiellement à la qualité de la musique qui va jusqu’à utiliser, avec la science et le bonheur que l’on sait, chorals protestants et chansons populaires.
De la « Flûte Enchantée », Goethe disait : « Il faut plus de savoir pour reconnaître la valeur de ce livret que pour la nier. (...) Il suffit que la foule prenne plaisir à la vision du spectacle : aux initiés n'échappera pas, dans le même temps, sa haute signification. » Le livret peut, en effet, se lire tout simplement comme une belle histoire féerique ou comme un parcours initiatique si l'on possède les clefs des rites maçonniques.
Le sujet de l'opéra est l'éducation de l'être humain à accéder à une moralité plus élevée en acquérant sagesse, amour et bonté. C’est aussi l’aboutissement de l’égalité entre la femme et l’homme issue de l’opposition des 2 sexes. Les obstacles qu'il doit surmonter sont le prix à payer pour accéder à la connaissance et à l'amour. La vie est la lutte de la lumière avec l'obscurité, du bien avec le mal, du rationalisme avec la superstition, du matriarcat avec le patriarcat, ce qu’on illustre dans les loges par le pavé mosaïque.
La musique de Mozart rapproche ces contraires, unit ces oppositions et forme ainsi une charpente, celle de l'être humain tout simplement. La « Flûte » est le terme d'un voyage de découvertes que Mozart venait de faire à travers son siècle, la somme de toutes ses inspirations, de la plus populaire à la plus majestueuse.

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