jeudi 16 juin 2011

jeudi 2 juin 2011

The Tree of Live

L'Arbre de Vie



Je viens de voir le film et aussi le commentaire de Robin Guillou (http://www.lechatsurmonepaule.com/)

je publie intégralement ci dessous son commentaire, qui colle exactement avec mon ressenti :

"Where were you when I laid the foundation of the earth? Tell Me, if you have understanding..."

"L’Éternel répondit à Job du milieu de la tempête et dit :
Où étais-tu quand je fondais la terre et que tous les fils de Dieu lançaient des acclamations ?..."

Le film évoque une famille du Midwest dans les années 50, un père irascible et rigide qui aurait voulu être musicien, mais s'est endurci dans le "struggle for life" et l'obsession de la réussite sociale, maltraite sa femme et traite ses fils à la dure, une mère effacée et aimante, trois frères... un drame inattendu qui déclenche, comme chez Job, l'interrogation métaphysique : "Pourquoi ?"
Sur ce canevas suffisamment universel pour que chacun puisse s'y projeter, le film est une méditation sur la mort, la perte des êtres chers, le sens de la vie, la place de l'homme dans l'univers, la question du Bien et du Mal, celui que l'on subit et celui que l'on fait - "Je fais le mal que je ne voudrais pas faire et je ne fais pas le bien que je voudrais faire", murmure Jack, à l'instar de saint Augustin dans Les Confessions - l'amour, la compassion et le pardon.

Ayant vécu aux Etats-Unis dans ces années-là, vers l'âge de 10 ans, j'ai retrouvé l'atmosphère poétique, conformiste et vaguement inquiétante des banlieues résidentielles américaines, les grands espaces arborés, les rues ombragées, bordées de pavillons blancs, les bagarres, les bandes de garçons dangereusement désoeuvrés et livrés à eux-mêmes (phénomène magistralement analysé par Hannah Arendt dans La crise de l'Education), les vêtements de ces années-là : les jeans, les tee-shirt rayés et les converses, les automobiles et les vélos, le collège en briques rouges, le moralisme et la ségrégation raciale...

... Et à l'instar de Jack confronté à l'enfant grièvement brûlé à la tête dans l'incendie de sa maison, à l'homme menotté, au passant handicapé, aux noirs misérables, comme tous les enfants qui grandissent, et avec le même trouble, j'ai pris peu à peu conscience de l'existence d'un monde obscur, tapi comme un animal dangereux derrière la trame d'une tapisserie rassurante qu'il cherchait à lacérer.

Dans la première partie du film, des images à couper le souffle sur une bande-son sublime évoquent l'immensité de l'univers, les étoiles et les galaxies, la Terre vue du ciel, la puissance, la complexité et la somptuosité de la vie sous toutes ses formes, minérale, végétale et animale, de l'infiniment petit à l'infiniment grand et l'évolution de l'univers depuis le Big Bang, en passant par les dinosaures. L'homme y apparaît moins comme un aboutissement que comme un "passeur", créant dans la liberté qui lui a été laissée des impasses et des "involutions" (dans le mauvais usage de la liberté et de la parole, dans la destruction de la nature et l'asservissement du prochain) et des clairières.

Le père et la mère dans le film symbolisent deux attributs fondamentaux du divin : la Rigueur (Gevurah) et la Miséricorde (Chesed), figurés sur l'Arche d'Alliance par deux chérubins aux ailes déployées (Voir Emmanuel Lévinas, L'Au-delà du Verset) ; l'Arbre de Vie (The Tree of Life) de la Kabbale n'est pas seulement l'expression d'une conception cosmologique ou métaphysique, il est ausi une "psychagogie", une invitation à participer à l'oeuvre divine en réconciliant en nous et autour de nous les énergies dispersées et discordantes du monde crée.

La sefirah (sphère d'attribut divin ou d'énergie) qui forme une triade avec la Rigueur (ou le jugement) et la Miséricorde est Tiferet, la Beauté. Elle crée une harmonie entre ces deux pôles et fait aussi le lien entre le monde de Yetsirah (la Formation) et celui d'Assiya (l'Action). Tiferet représente la beauté de la gloire et de la lumière divines quand elles descendent vers l'humanité. Elle relie l'ego psychologique à l'ego spirituel. Tiferet est le coeur de l'arbre de vie ; elle achemine l'Esprit divin vers le bas et les aspirations spirituelles de l'humanité vers le haut. Tiferet est l'intermédiaire entre Chesed et Gevurah.

Jack ne sait pas comment participer à cette tâche. Il erre comme une âme en peine dans un univers déshumanisé. Il a réussi socialement, au-delà des rêves de son père, mais sa vie affective est totalement vide et il sent que "quelque chose ne va pas". Mais "sentir que quelque chose ne va pas" n'est pas rien. "Sentir que quelque chose ne va pas" et en souffrir, c'est invoquer la Grâce.

Jack suit les traces de son père auquel il pense (ou veut) "ressembler" le plus, mais ne prend véritablement conscience de son "manque" qu'à partir de la mort de son jeune frère. En quittant l'inhumanité de la "Tour de Babel" pour le désert, il prend le chemin de la vie et franchit la "porte étroite" au-delà de laquelle l'attendent sa mère et son père réconciliés et son frère ressuscité (mais réconciliés et ressuscités aussi en lui-même).

C'est la dernière scène du film, sur une plage immense, près de la mer (le symbolisme de l'eau et le thème de la "deuxième naissance" sont omniprésents dans le film), des milliers d'hommes et de femmes de tous âges, de toutes races et de toutes conditions déambulent sereinement, se sourient, se tiennent par la main, une scène qui fait monter les larmes aux yeux et l'espérance au coeur.

Le film n'est pas pour autant une "Théodicée" ; sans relever de la catégorie de "l'absurde" qui ne mène qu'au désespoir, la souffrance et le mal demeurent un scandale et un mystère. "Il n'y a dans le monde tant de mal et de souffrance qu'en raison de la liberté. Mais dans la liberté reposent toute la dignité du monde et toute la dignité de l'homme (Nicolas Berdiaev, l'Esprit de Dostoïevski, Stock, 1974, pg. 102).

Je ne suis pas certain que cet "OVNI cinématographique" plaira à tout le monde : trop lent, trop long, trop peu de dialogues, trop "métaphysique", trop rempli d'allusions bibliques (mais qu'y a-t-il de plus "éternellement actuel" que le Livre de Job ?), une intrigue trop mince, un propos trop ambitieux et déséquibré peut-être et sans doute fera-t-il grincer des dents les partisans d'une évolution aveugle.

Mais c'est précisément le parti-pris de l'auteur-réalisateur, Terrence Malick, d'avoir voulu suggérer que l'homme est autre chose qu'un "accident", qu'il vient de loin et que l'existence la plus humble est une histoire sainte




Genre : Drame, Science-Fiction

Réalisateur : Terrence Malick

Distribution : Brad Pitt, Sean Penn, Jessica Chastain

Scenariste : Terrence Malick

Sortie en salles : 27 mai 2011

Synopsis :

The Tree of life est l'histoire "impressioniste" d'une famille du Midwest dans les années 50. Le film suit l'aventure humaine du fils aîné, Jack, de l'innocence de l'enfance aux désillusions de l'âge adulte et évoque sa relation conflictuelle avec son père (Brad Pitt). Jack (interprété par Sean Penn à l'âge adulte) erre comme une âme en peine dans un avenir déshumanisé, cherchant des réponses aux questions sur l'origine de l'homme et le sens de la vie. Les images de Terrence Mallick suggèrent que la nature et la grâce façonnent à la fois nos vies individuelles et la création tout entière.

L’Arbre de Vie (Etz haHa'yim עץ החיים en hébreu) représente symboliquement, dans la Kabbale, les lois de l'Univers (certains auteurs le rapprochent de l'arbre de vie mentionné par la Genèse en 2:9).

L'Arbre de Vie peut être vu comme la représentation du processus de création mettant en oeuvre, tant dans le macrocosme qu'est l'Univers que dans le microcosme qu'est l'Être humain, des énergies ou puissances créatrices émanant du Créateur. La mystique de la Kabbale utilise l'Arbre de Vie pour tenter de distinguer l'Essence Infinie (En Sof) d'un Dieu Unique et Créateur, de la manière dont il a créé à partir du vide (ex nihilo) ce monde fini (Sof) qui est le nôtre.